Rapport hebdomadaire de mon stage 2008/2009 au Sharjah Desert Park
21 au 27 décembre 2008 - Semaine 6

Après un sympathique week-end au Koweit (voir Semaine 5), je reprends le travail le dimanche 21 décembre. C'est déjà ma sixième semaine au Sharjah Desert Park ; que le temps passe vite ! Je poursuis l'organisation de la prochaine conférence de conservation de février 2009. Il faut préparer une lettre d'invitation et l'envoyer aux nombreux spécialistes et experts de la péninsule arabique. Je développe également les idées de participation à l'actuelle campagne de conservation de l'EAZA. Lundi soir, Björn Jordan me propose de l'accompagner au Birds & Animals Market de Sharjah. L'Environment and Protected Areas Authority (EPAA), entité du gouvernement de Sharjah, gère le BCEAW, mais a aussi à charge toutes les activités en rapport avec les animaux sur le territoire de cet émirat. Le contrôle des marchés animaliers est donc également sous sa juridiction.

Nous prenons la route après la fin de notre journée de travail, vers 19h. Les voies d'accès à Sharjah sont encombrées à cette heure-ci. Björn est un passionné d'aquariophilie et entretient déjà plusieurs bacs pour diverses espèces de poissons. Il a actuellement le projet de créer un nouvel aquarium, représentant une rivière sud-asiatique ; l'innovation dans ce nouveau projet est l'utilisation d'une filtration naturelle à l'aide de végétaux avec le transit de l'eau dans plusieurs compartiments successifs du bac. Il est possible de faire découper et monter des aquariums sur mesure au marché de Sharjah et nous nous rendons directement dans un des magasins d'aquarium. Il est tenu par plusieurs Indiens à qui Björn explique en long et en large son projet et essaie de leur faire comprendre les différents plans qu'il a dessinés. Je suis très curieux de voir le résultat ! Nous allons ensuite nous promener dans le marché, de boutique en boutique. Björn semble connaître la plupart des marchands et les salue chaleureusement. Nous sommes même invités à boire le thé à plusieurs reprises. Le Birds & Animals Market de Sharjah est sacrément exotique et bien plus dépaysant que celui que nous avons découvert il y a quelques jours au Friday Market du Koweit. Ici, les boutiques sont généralement spécialisées dans les oiseaux ou dans les poissons, mais certaines proposent également quelques mammifères ou reptiles. Une des premières boutiques que nous visitons est quasi exclusivement consacrée à la fauconnerie, avec plusieurs faucons vivants en vente ainsi que tout le matériel nécessaire pour la pratique de cette tradition. D'autres boutiques proposent plusieurs colins de Californie (Callipepla californica), un touraco violet (Musophaga violacea), des gallicolombes poignardées (Gallicolumba luzonica), des gangas à ventre brun (Pterocles exustus), des bulbuls à joues blanches (Pycnonotus leucogenys), dont les joues de certains individus ont été peintes pour attirer les clients, des tourtelettes masquées (Oena capensis), des pigeons roussards (Columba guinea)... et bien d'autres ! Un des magasins semble spécialisé dans les psittacidés ; les cages qu'il abrite renferment, en sus des gris du Gabon très communs ici, un ara bleu (Ara ararauna), un ara chloroptère (Ara chloropterus), une pione violette (Pionus fuscus), particulièrement rare en captivité, des piones à tête bleue (Pionus menstruus) et de nombreuses amazones. Un autre encore se concentre dans les anatidés et je suis surpris de tomber, entre autres, sur des canards à crinière (Chenonetta jubata) et des canards des Bahamas (Anas bahamensis). En ce qui concerne les mammifères, les souris rayées de Barbarie (Lemniscomys barbarus) et les phalangers volants à queue courte (Petaurus breviceps) sont omniprésents ; quelques écureuils, dont de jolis écureuils persans (Sciurus anomalus), originaires de Syrie, se trouvent également à la vente. Plus surprenant, de jeunes ratons laveurs, probablement élevés aux Pays-Bas et importés ensuite ici, sont disponibles, mais la plus grosse surprise est un grand galago (Otolemur garnettii), originaire d'Afrique. Le vendeur de ce dernier nous dit pouvoir nous fournir rapidement de jeunes hamadryas, des singes africains à face noire qu'il nomme "Nassa Monkey", probablement des vervets, et même des crocodiles... Il est très facile de se procurer ici de jeunes iguanes verts, des tortues terrestres de petite taille et même des tortues sillonnées (Geochelone sulcata), de taille beaucoup plus conséquente. Björn achète quelques cages d'élevage ; malheureusement, le magasin où nous devions acheter des graines est déjà fermé. Il est plus de 22h et nous reprenons la route vers le BCEAW.

La matinée du mardi est principalement consacrée à la préparation de la campagne EAZA à propos des carnivores européens. Dans les panneaux que je rédige, j'évoque les problèmes locaux et les menaces qui pèsent sur les carnivores de la région. Il est bien sûr incontournable d'évoquer le léopard d'Arabie (Panthera pardus nimr). Lors de mes recherches, je tombe par hasard sur un ancien documentaire du couple de vétérinaires Isabelle et Jean-François Lagrot. Ils ont effectué en 1999 une mission d'étude de cette sous-espèce au Yémen et en Arabie Saoudite. Je me souviens avoir visionné ce reportage, nommé "Sur les traces du léopard d'Arabie", il y a plusieurs années et en ai gardé un souvenir mémorable ! Je le télécharge aujourd'hui sur le site http://vodeo.fnac.com pour pouvoir le regarder à nouveau au courant des prochaines semaines. A 15h, j'accompagne Paul Vercammen pour transférer à l'aéroport des oiseaux en partance pour l'Europe. Il s'agit d'un groupe de gangas à ventre brun (Pterocles exustus) et de deux couples d'hoccos nocturnes (Nothocrax urumutum), qui sont destinés au Zoo d'Anvers (Belgique). Paul m'expose toutes les démarches administratives nécessaires pour le transfert de tels animaux. Le fait que le BCEAW soit une institution gouvernementale facilite probablement les choses, mais il reste de nombreuses paperasses à remplir et des bureaux à visiter avant de pouvoir finaliser l'export. En dépit de la grippe aviaire, qui paralyse de nombreux transferts d'oiseaux à travers le monde, il semble ne pas y avoir eu de gros soucis dans l'organisation de l'échange d'aujourd'hui. Nous accédons au Cargo Village de l'aéroport de Dubai ; c'est une zone spéciale où s'effectuent tous les dépôts de marchandises. Là encore, il faut remplir de nombreux formulaires et avoir affaire aux douanes. Il faut également surveiller les animaux, perdus au milieu de l'activité incessante dans les halls de stockage. C'est étonnant toutes les marchandises qui transitent ici ; je vois même passer deux cercueils ! Finalement, au bout d'une heure et demi, nous donnons à boire une dernière fois aux volatiles et les voyons partir. Ils décolleront avec un vol de la soirée vers Luxembourg et arriveront au Zoo d'Anvers demain en milieu de journée. La nuit est déjà tombée depuis longtemps lorsque nous rentrons à Sharjah.

Mes parents et mon jeune frère me rejoignent à Dubai pour les fêtes de fin d'année et arrivent cette nuit à l'aéroport. Je récupère donc quelques affaires et Paul me dépose à l'aéroport de Sharjah, sur sa route de retour vers son domicile. De là, je prends un taxi vers le centre de Dubai, où nous avons réservé des chambres au nouveau Novotal Deira City Centre, inauguré il y a à peine un mois. Je vais me promener au Deira City Centre, vaste galerie marchande, où je prends un petit repas. Je rejoins l'aéroport de Dubai au milieu de la nuit pour y accueillir ma famille.

Mercredi 24 décembre, après un copieux petit-déjeuner, nous allons récupérer notre véhicule de location auprès de Thrifty à l'Airport Free Zone. Il s'agit cette fois d'une Toyota Yaris, avec à peine 1000 kilomètres au compteur. Nous passons à nouveau au Deira City Centre et sommes surpris par la diversité des produits offerts au Carrefour local. Pour débuter la découverte de Dubai, je propose une visite au Dubai Museum ; il s'agit du musée principal de la ville, qui retrace l'histoire et l'évolution de cet émirat, aujourd'hui mondialement connu. Inauguré en 1971, ce musée est situé dans l'Al Fahidi Fort, lui même situé dans le quartier nommé Bur Dubai. Après la visite, nous nous promenons un peu dans le quartier puis faisons un tour sur la crique de Dubai à bord d'un dhow ou boutre, petit bateau en bois typique des contrées arabes. Nous accostons du côté du quartier Deira et visitons le marché des épices. Le fameux Deira Gold Souk se trouve également à cet endroit ; Dubai est la ville où l'or est le moins cher au monde. Alors que l'après-midi est souvent très calme dans les marchés, l'activité s'intensifie à l'approche de la soirée. Le soleil se couche lorsque nous retraversons la crique de Dubai. D'autres marchés se trouvent à Bur Dubai et nous y flânons. Tous types de produits y sont proposés : vêtements, antiquités, tapis, voyages, nourriture et boissons... La partie indienne du marché, installée dans de petites rues étroites, est particulièrement colorée et parfumée ! Avant de reprendre notre voiture, nous nous attardons encore dans un quartier historique nommé Bastakiya, qui a été récemment complètement rénové. Il abrite maintenant plusieurs hôtels et restaurants, mais aussi des galeries d'art ou encore des bureaux, comme ceux de l'International Fund for Animal Welfare ou du World Wide Fund for Nature. J'avais prévu de prendre le dîner au XVA, galerie d'art doté d'un restaurant, mais celui-ci est fermé pour la période des fêtes. Nous rejoignons donc le Wafi Mall, galerie marchande au thème égyptien. De nuit, celle-ci est encore plus impressionnante que lors de ma première visite il y a quelques semaines. Après nous être promenés dans les allées et observés quelques boutiques, nous nous restaurons au Khan Murjan Restaurant, qui propose de nombreuses spécialités du Moyen Orient.

Le lendemain, jeudi 25 décembre, jour de Noël, qui est ici peu célébré en raison de la prédominance de la religion islamique, nous nous dirigeons vers Sharjah. Là, nous allons visiter le Sharjah Museum of Islamic Civilization, qui est une intéressante introduction à cette religion. Le bâtiment où est installé le musée est particulièrement grandiose, ainsi que le café qui se trouve dans le dôme central. Nous marchons ensuite le long du port de Sharjah où sont amarrés des dizaines de petits navires en bois qui effectuent des transports maritimes vers d'autres régions du monde. Face au gigantisme de la ville de Dubai, c'est étrange de retrouver ici ces bateaux de petite taille dont les marchandises sont déchargées ou chargées, pour certaines, à dos d'homme. Nous passons rapidement par le Sharjah Birds & Animals Market, mais la majorité des boutiques sont fermées à cette heure de la journée. Nous nous dirigeons maintenant vers le Sharjah Desert Park. En route, juste après l'aéroport de Sharjah, nous nous arrêtons au Sharjah Old Cars Club & Museum, qui expose une intéressante collection de véhicules anciens originaires des quatre coins du monde. Quelques véhicules français, tels que des Peugeot 403 ou encore une Citroën 2CV, se trouvent perdus au milieu de nombreuses voitures majoritairement américaines et anglaises. Je fais découvrir à mes parents et à mon frère le Sharjah Desert Park, mon lieu de travail depuis quelques semaines. Le soir, nous sommes tous invités au repas de Noël du BCEAW. Toute l'équipe s'y retrouve autour d'une imposante dinde, typique en la circonstance, mais aussi de divers autres mets, comme un pâté de gazelles ! Un sympathique quiz prolonge le dîner. Nous sommes de retour au Novotel Deira City Centre tard dans la nuit.

Nous passons à nouveau la journée du vendredi 26 décembre à Dubai. Comme il s'agit d'un jour férié, des courses de dromadaires sont normalement organisées. Nous nous dirigeons donc vers le champ de courses, mais, une fois sur place, la zone s'avère être en plein chantier. Les courses ont probablement lieu ailleurs ! Nous allons alors au Mall of the Emirates, encore un autre centre commercial, situé au sud-ouest de Dubai. Celui-ci comprend aussi le fameux Ski Dubai, station de ski indoor inaugurée en novembre 2005. Avec la chaleur et le ciel bleu à l'extérieur, cette vaste zone couverte où règne une température négative et un brouillard constant semble complètement irréelle. Elle est entourée de diverses boutiques proposant tout le matériel nécessaire aux sports d'hiver, ainsi que de plusieurs restaurants où est recréée une ambiance propre aux stations de ski. A deux kilomètres à peine du Mall of the Emirates se trouve une autre galerie marchande, le Souk Madinat Jumeirah, bordé par un vaste complexe hôtelier. La vue sur le Burj Al Arab est impressionnante ! Nous marchons sur la plage, particulièrement bondée aujourd'hui, avant de reprendre la Jumeirah Road et de rejoindre à nouveau notre hôtel. Nous sommes invités ce soir par des amis, qui habitent à Dubai depuis deux ans. Après un agréable apéritif chez eux, durant lequel nous échangeons des nouvelles respectives et en apprenons beaucoup sur la vie des expatriés à Dubai, nous allons manger au Casa Mia, un restaurant italien installé au Méridien, face à l'aéroport.

Paul Vercammen s'est proposé d'être notre guide pour la journée du samedi 27 décembre. Nous le rejoignons donc en début de matinée chez lui à Sharjah, puis prenons la route à bord de son véhicule tout-terrain. Nous allons aujourd'hui découvrir la côte est des Émirats Arabes Unis. Après la ville de Dhaid, nous approchons des montagnes et le paysage change rapidement. Nous passons par Masafi où est produite l'eau du même nom. Dans les montagnes, nous nous arrêtons pour une superbe vue sur les environs. C'est un environnement propice pour la gazelle d'Arabie, le tahr d'Arabie et aussi le léopard d'Arabie ! Nous atteignons la côte au niveau de la ville de Dibba, à cheval sur les Émirats Arabes Unis et Oman. Encore complètement sauvage il y a quelques années, avec seulement quelques ports de pêcheurs, le bord de mer commence à être doté de complexes hôteliers et structures diverses. De nombreux chantiers sont d'ailleurs visibles tout le long de la route côtière. Nous nous enfonçons à nouveau dans les montagnes pour atteindre le Wadi Wurayah. Un wadi, aussi appelé oued en Français, désigne un cours d'eau à régime hydrologique très irrégulier. Ici, les reliefs que nous observons sont superbes et impressionnants. Nous arrêtons à plusieurs endroits pour observer la vue puis commençons à remonter le wadi à bord du 4x4. Lorsque la piste devient impraticable, nous continuons à pieds. Le vaste canyon se transforme bientôt en une mince gorge entre deux parois rocheuses et nous avançons avec moins d'aisance. La lumière atteint difficilement le fond de la gorge et il y a de plus en plus d'humidité. Nous observons à plusieurs reprises des crapauds d'Arabie (Bufo arabicus) et un imposant lézard Lacerta jayakari. Il nous faut à plusieurs reprises traverser des trous d'eau, profonds d'un demi-mètre, et nous sommes bientôt complètement bloqués dans notre avancée. Nous faisons alors demi-tour et rejoignons le véhicule. De retour sur la route goudronnée, nous décidons d'aller prendre une collation dans la ville voisine, nommée Khor Fakkan. De là, nous continuons à longer la côte jusqu'à l'autre frontière avec Oman, à Khor Kalba. Nous faisons un tour autour des mangroves à la recherche d'espèces d'oiseaux et de tortues marines. En cette fin de journée fériée, la plage voisine est une véritable autoroute où se croisent à pleine vitesse quads, véhicules tout-terrain et voitures conduites par les chauffards du dimanche ! Les relents d'essence se mêlent aux odeurs marines. Au milieu de tout ce vacarme, des pêcheurs s'affairent à leurs filets. Ils ont une technique de pêche tout à fait particulière, qui nécessite l'utilisation de deux véhicules tout-terrain (toujours des Toyota Land Cruiser Série 4) et d'un petit bateau. Ce dernier se dirige en mer et relie les deux extrémités du filet aux véhicules, restés sur la plage. Le filet, et tout ce qu'il contient, est ensuite ramené à terre cinquante mètres par cinquante mètres à l'aide des Toyota. Il y a malheureusement beaucoup de déchets et de nombreuses espèces, telles que les raies, sont abandonnées sur la plage par les pêcheurs et laissées agonisantes. Cela attire une importante proportion d'oiseaux et nous avons la chance d'observer ce soir, dans le soleil couchant, des aigrettes à gorge blanche (Egretta gularis), des aigrettes garzettes (Egretta garzetta), des goélands de Hemprich (Larus hemprichii), des sternes hansel (Gelochelidon nilotica) et des pluviers de Leschenault (Charadrius leschenaultii). Nous rejoignons Sharjah de nuit en traversant les montagnes. Paul nous invite à prendre le repas chez lui ce soir et je suis très impressionné par sa maison remplie d'objets ramenés de tous ses voyages à travers le monde et de nombreux ouvrages et documents à propos de la faune et des parcs zoologiques.