Le zoo, entre captivité, semi-liberté et espace naturel

Le zoo, entre captivité, semi-liberté et espace naturel

Messagepar Philippe » Mardi 09 Avril 2019 7:35

Prononcer le mot zoo aujourd’hui, en 2019, peut être osé. Rapidement, en effet, vient en tête l’image d’animaux sauvages maintenus en captivité, parfois tristes, manquant de stimulations cognitives et physiques, ou encore manifestant des comportements répétitifs, stéréotypés, tel celui du fauve allant et revenant sans cesse dans sa cage. Bref, on imagine d’emblée que ces animaux n’éprouvent aucun bien-être.

Mais est-ce si simple ? Les zoos ont beaucoup évolué, ne serait-ce que depuis l’après-guerre. La plupart des animaux présents aujourd’hui ne sont plus prélevés dans la nature mais sont nés en captivité. Certains sont le fruit d’une reproduction entre un parent né captif et un autre né sauvage. Mais ils sont destinés à être « réintroduits » dans leur habitat sauvage, en Afrique, en Asie ou en Amérique.

Des zoos dès 1.500 av. J.-C.


Classiquement, on considère que les zoos ont quatre fonctions essentielles : le divertissement et l’éducation du public, la recherche scientifique et la conservation des espèces. Mais l’histoire montre que leur importance relative a changé au fil du temps. C’est pour cela d’ailleurs qu’on ne parle plus de zoo, mais de jardin zoologique, de parc animalier, de parc de conservation ou encore de bioparc.

Apparu sous le règne de la reine-pharaon Hatchepsout vers 1500 av. J.-C., les zoos ont franchi une succession d’étapes. D’abord ménageries privées, aristocratiques ou monarchiques – comme celle fondée par Louis XIV à Versailles en 1662, où des espèces exotiques sont montrées en captivité –, ils deviennent ensuite, éducation ou intérêt scientifique oblige, des institutions publiques, souvent gérées par des professionnels. « Aux XIXe et XXe siècles, on y mène des expériences d’acclimatation et de domestication du zèbre ou de l’éléphant », rappelle Jean-Pierre Digard, anthropologue des relations homme-animal au CNRS.

Des paysages artificiels pour observer les comportements

Changement notable : dès 1907 en Allemagne et 1931 en France, lors de l’Exposition coloniale, on invente le « zoo sans barreaux », avec des fossés, emplis d’eau ou non, en guise de barrière et des paysages du type savane africaine, où zèbres, gnous et buffles peuvent s’ébrouer, et des rochers artificiels pour les singes. On parle de « parc de semi-liberté ».

Le public demande à observer les comportements naturels et la sociabilité des animaux. Ce qui « incite les zoos à délaisser l’exposition individuelle, encyclopédique, au profit d’une présentation en groupes », écrit Éric Baratay (1), historien des animaux (université de Lyon). De même, sont abandonnées les séances de dressage et de domptage à partir des années 1960, le dressage étant toutefois maintenu dans les parcs aquatiques (Antibes) ou les parcs de rapaces.

Un lieu de conservation de la nature


Dès les années 1950, les membres de la société zoologique de Francfort s’appuient sur les zoos pour populariser l’idée de conservation de la nature. Aux États-Unis, on imagine un nouveau zoo, sorte d’arche de Noé, basé à la fois sur l’élevage en captivité – la conservation ex situ – et la conservation dans la nature – la conservation in situ – auxquels s’ajoute le zoo congelé grâce à la cryoconservation des gamètes et des embryons. Si, dans les années 1960, les zoos prélèvent encore dans la nature des spécimens qu’ils exposent, cette pratique est, depuis la Convention de Washington (ou Cites) en 1973, réglementée ou interdite selon les espèces.

« À partir des années 1950, avec la montée du niveau de vie, on assiste à une inversion de la symbolique du zoo, indique Éric Baratay. Celui-ci est de moins en moins le laboratoire de la domestication du sauvage et de plus en plus la vitrine avancée d’une nature qu’on voudrait côtoyer. » Une évolution du public soutenue d’une part par la sortie des films animaliers de Disney, de Frédéric Rossif ou du commandant Cousteau, d’autre part par la vulgarisation scientifique de la primatologue Jane Goodall, avec ses chimpanzés et ses gorilles, ou de la mammalogue Cynthia Moss, spécialiste des éléphants.
Arrêter les prélèvements de nature sauvage

Au début du XXe siècle, on assiste à une montée des critiques venant du public et de la presse. « En 1929, à Genève, les lecteurs d’un journal s’insurgent contre le projet d’un zoo, parce que Dieu a conçu les bêtes pour animer la nature et non pour qu’elles tombent en esclavage », rapporte Éric Baratay. De même, en 1953, l’écrivaine Colette, amoureuse des chats, annonce qu’elle n’ira plus dans un jardin zoologique.

Surtout, en 1965, l’ornithologue Jean Dorst, professeur, directeur, puis démissionnaire, du Muséum de Paris – propriétaire du zoo de Vincennes –, auteur de Avant que nature ne meure, critique les zoos qui pillent la faune. Il sera suivi par l’explorateur polaire Paul-Émile Victor et le médecin Jean-Claude Noüet, cofondateur de la Ligue des droits de l’animal en 1977. Arrivent ensuite les écrits du philosophe australien Peter Singer, apôtre de la libération animale, ainsi que Le Zoo humain, du zoologiste Desmond Morris.

Conservation et futures réintroductions

Le nombre de zoos dans le monde explose alors et atteint le chiffre de 1 165 en 1993. Les parcs en semi-liberté se développent. Surtout, la conservation des espèces devient prépondérante. Déjà dans les années 1980, la Société pour la protection de l’animal captif avait réintroduit en mer des dauphins. Le zoo de Hanovre, lui, participe à une réintroduction de l’addax, une antilope adaptée au désert (moins de 300 spécimens en 2008 et seulement 3 à l’état sauvage en 2016).

En France, le lynx d’Europe a été réintroduit avec succès dans les Vosges, et il est revenu naturellement dans le Jura. Et il y a quelques mois, l’Australie, où 90 % de la population sauvage du diable, ou loup de Tasmanie – un carnivore marsupial – est terrassée par un cancer de la face contagieux, vient d’annoncer la naissance de louveteaux au zoo de Copenhague qui va, à son tour, les disperser dans des zoos en Belgique, en Autriche et en France. Avant de les réintroduire dans le bush tasmanien.


En chiffres

On recense plus de 2.000 zoos dans le monde, attirant près de 350 millions de visiteurs par an.

La France compte environ 300 parcs zoologiques. Le ZooParc de Beauval est le plus important en termes de fréquentation avec 1.550.000 visiteurs en 2018.

Les trois quarts des établissements sont privés et ne bénéficient d’aucune aide financière. Leur existence est donc liée à leur fréquentation et à leur attractivité. Parmi les 20 % restant, la plupart sont municipaux ou nationaux et vivent de subventions.
Source : La Croix.
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Re: Le zoo, entre captivité, semi-liberté et espace naturel

Messagepar Philippe » Mardi 09 Avril 2019 7:53

La conservation des espèces dans les zoos est-elle efficace  ?

► « Elle est nécessaire, mais pas suffisante »

François Moutou, vétérinaire naturaliste, président d’honneur de la SFEPM


« Les zoos jouent un rôle dans la pédagogie et la connaissance de centaines d’espèces animales. La démarche des visiteurs est spontanée et active, les informations auxquelles ils accèdent leur permettent de prendre conscience de l’état des différentes espèces dans leurs pays d’origine et, éventuellement, de s’engager et de participer financièrement à leur protection. Une partie des bénéfices des zoos sert aux programmes de protection dans leurs pays, en aidant la population locale à se nourrir, à s’équiper de façon à ce qu’il n’y ait pas de compétition entre l’espace sauvage et l’espace exploité par l’homme.

Mais sauver en captivité n’a pas beaucoup de sens. La finalité c’est évidemment de maintenir, conserver, protéger in situ les espèces sauvages et de les faire cohabiter avec l’agriculture, la foresterie ou l’élevage. C’est là un problème majeur. Ainsi, un récent rapport indique que même au Kenya, pays plutôt exemplaire en matière de conservation de la biodiversité, les bergers pénètrent souvent dans les zones de parcs théoriquement protégés et il n’est alors pas rare de voir un félin s’attaquer à des bovins, ce qui entraîne l’abattage du prédateur.

Certaines espèces ont pu se reproduire en zoo puis être réintroduites comme l’oryx d’Arabie en zone ouverte (Arabie, Jordanie, Oman). En revanche, l’oryx algazelle n’a pu être réintroduit au Sahel qu’en zone fermée. Pour les carnivores, la réintroduction est compliquée, car c’est la mère qui, en milieu naturel uniquement, apprend à ses petits à chasser et donc à survivre une fois qu’ils seront adultes et indépendants. »

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► « Les ibis chauves sont un bon exemple de réintroduction »

Laurence Paoli, communicante, elle a collaboré avec de nombreux parcs à travers le monde

« Les parcs animaliers ont trois missions : la conservation, la recherche et la pédagogie. La préservation des espèces menacées est l’objectif ultime. Aujourd’hui, 31 espèces disparues de la nature prospèrent en captivité, et des programmes de réintroduction sont en cours pour 6 d’entre elles.

Les zoos travaillent avec succès depuis des années sur la reproduction des espèces menacées. Ils le font, entre autres, en participant à des programmes d’élevage. Pour cela, ils ont établi une banque de données répertoriant les animaux des parcs animaliers (âge, nombre, origine, etc.) qui permet des transferts d’animaux et une reproduction concertée entre les zoos.

Par ailleurs, les parcs animaliers favorisent la réintroduction de certaines espèces dans leur milieu naturel : amphibiens, mammifères, oiseaux, invertébrés, etc. Une étape idéale qui prend du temps, demande beaucoup de travail et coûte cher. De plus, elle est souvent compliquée par un écosystème dégradé et dangereux. Les ibis chauves sont un exemple réussi de réintroduction en cours. Quand ils n’agissent pas directement, les zoos – devenus des acteurs majeurs dans la défense de la biodiversité – soutiennent financièrement des projets de conservation sur le terrain. À l’exemple du tatou géant – que l’on ne trouve pourtant dans aucun zoo – et dont la population a fortement diminué en Amérique latine. »
Source : La Croix.
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Re: Le zoo, entre captivité, semi-liberté et espace naturel

Messagepar okapi » Mardi 09 Avril 2019 13:16

Merci Philippe! On comprend bien à travers ces lignes que tout n'est pas toujours très clair pour les journalistes et qu'il y a encore du chemin à parcourir!
Même s'il reste anecdotique, le dressage n'a pas vraiment disparu dans les années 1960 et tous les zoos publics ne vivent pas de leurs seules subventions! Quand à la réintroduction des espèces, la généralisation est plus que maladroite... Mentionner Hagenbeck n'aurait sans doute pas été inutile et on passera sur la confusion entre diable et loup de Tasmanie... Je serais curieux de savoir si Eric Baratay est un habitué des parcs qu'il utilise comme matériau d'analyse...
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Re: Le zoo, entre captivité, semi-liberté et espace naturel

Messagepar Therabu » Mardi 09 Avril 2019 15:30

Merci Philippe pour le partage !

On remarque aussi entre les deux articles qu'il n'y a pas un accord total concernant les missions du zoo. En effet, le premier cite le divertissement parmi les missions d'un parc zoologique ce avec quoi je ne suis pas d'accord.
Cela peut paraître anecdotique mais le divertissement correspond pour moi plutôt à une nécessité qui permet d'attirer du public et ainsi générer les ressources nécessaires à la réalisation de ces missions.
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Re: Le zoo, entre captivité, semi-liberté et espace naturel

Messagepar Dips » Jeudi 25 Avril 2019 15:41

En France, le lynx d’Europe a été réintroduit avec succès dans les Vosges

Hum... :roll:
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Re: Le zoo, entre captivité, semi-liberté et espace naturel

Messagepar Philippe » Vendredi 26 Avril 2019 6:40

En effet, gros hum... Disons que la réintroduction pourrait être un succès du côté allemand de la frontière...
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