Plan de collection et gestion de l'espace

Plan de collection et gestion de l'espace

Messagepar Therabu » Mercredi 25 Septembre 2019 14:16

Je vous partage cet article de recherche passionnant sorti dans la revue Zoobiology et dont le titre est : "Planification de la collection pour les 100 ans à venir : Qu'est ce que nous nous engagerons à sauver ans les zoos et aquariums ?"

L'article : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/ful ... /zoo.21453

J'engage tous ceux qui maîtrise un minimum l'anglais à lire l'article dans sa globalité car c'est bien mieux formulé que ce que je peux faire. Toutefois voici quelques éléments du développement que je trouve intéressants pour alimenter les discussions, notamment savoir s'il y a trop ou pas assez de zoos. L'auteur est américain et prends le plus souvent l'exemple de l'AZA où l'envergure des collections et leur nombre semble bien plus réduite qu'en Europe ce qui pose des problèmes aggravés de place pour le développement de certaines espèces. Cela se traduit par exemple par l'export de propithèques de Coquerel vers les zoos européens, faute de place en Amérique alors que l'Europe devait initialement se consacrer au propithèque couronné.

"La «crise de la durabilité [des populations]» dans les zoos et les aquariums [américains] a rappelé de manière froide à quel point nos ressources sont limitées pour maintenir des populations viables d'espèces menacées d'extinction. Ceci, combiné aux préoccupations croissantes du public quant à la valeur des zoos et des aquariums, suggère que la profession des zoos devrait procéder à un réexamen approfondi de ses principes directeurs, de ses philosophies et de ses pratiques en matière de planification de la collection aux niveaux mondial, régional et institutionnelles. Une analyse des programmes de sélection coopératifs de l'AZA révèle que, pour rendre ces populations viables, il est nécessaire de disposer de beaucoup plus de fondateurs et de dizaines de milliers d'espaces supplémentaires pour les animaux, que ce soit dans des installations existantes ou dans de nouvelles installations, si nous voulons conserver toutes les espèces actuellement couverts par des programmes d’élevage coopératifs. Les associations zoologiques régionales et leurs programmes coopératifs d’élevage doivent être plus stratégiques et prendre des décisions plus défendables sur le plan scientifique quant aux espèces à essayer de sauvegarder dans les zoos et les aquariums. Cela permettrait à la profession des zoos de donner à la société une «liste de promesses» des espèces que nous nous engageons à préserver de l'extinction totale. L'élaboration d'une telle liste nécessitera un processus de collaboration inclusif qui transcende les régions zoologiques[on entend par région Amérique du Nord, Europe, Asie du sud-est, Moyen-Orient, Océanie]. Les responsables d'associations régionales, les directeurs de zoo et d'aquariums et les conservateurs doivent s'engager à protéger les espèces inscrites sur la liste de promesse, quels que soient leurs intérêts. À mesure que notre profession réexaminera ses philosophies et ses pratiques et trouvera le moyen d'accroître sa capacité de fournir un refuge aux espèces menacées d'extinction à l'état sauvage, il pourrait être possible d'élargir la liste de promesses."

Pourquoi ré-éxaminer?

Le contexte actuel est le suivant :
- la population de nombreuses espèces élevées en captivité est trop restreinte et nécessite à la fois plus d'individus et de variabilité génétique.
- les ressources d'espace sont déjà tendues et l'on ne s'attend pas à ce qu'elles augmentent significativement. La création de nouveaux établissements est limitée, les rénovations impliquent en général plus d'espace pour les animaux ce qui contribue in-fine à faire baisser le nombre de "places" disponibles.
Il est donc peu probable que l'on réussisse à conserver l'actuelle diversité d'espèces détenue en captivité.

Le problème est aussi quelles espèces sont gérées. L'auteur est membre du groupe de spécialistes de l'UICN sur la planification des actions de conservation. Parmi les 737 espèces de vertébrés (mammifères, oiseaux, reptiles et amphibiens) pour lesquelles l'élevage captif est recommandé, seulement 106 (14%) sont enregistrées dans ZIMS avec plus de 100 individus, 63% en tout. Evidemment, il est impossible d'acquérir toutes ces espèces du jour au lendemain mais avec la hausse des menaces pesant sur les espèces, ce besoin est à même d'augmenter.

Les zoos sont critiqués pour maintenir des collections d'animaux qui n'ont pas de valeur de conservation selon l'UICN alors même que la profession définit depuis longtemps ses objectifs comme les suivants : conservation, éducation, recherche et divertissement. Ces 4 objectifs ne sont d'ailleurs pas toujours concordants. La prolifération des savanes africaines est un exemple : désir de présenter des espèces africaines charismatiques ensemble pour des raisons d'éducation, d'immersion et d'attractivité. La conséquence indirecte est l'uniformisation des collections et la réduction drastique des places et de la diversité d'ongulés visibles car la même combinaison d'espèces a été privilégiée par de nombreuses institutions. le point de l'auteur est que la planification de la collection ne doit pas se faire au niveau de l'institution.

La démarche du plan de collection régional est relativmeent nouvelle (1983 pour l'Amérique du nord). Toutefois, la philosophie derrière chaque TAG composant le plan de collection régional est hétérogène. Certains veulent conserver la plus grande diversité d'espèces possible quand d'autres sacrifient tout l'espace et leurs efforts sur quelques espèces ciblées. Pour finir, cette philosophie est très fortement influencée par la personne a la tête du TAG, plus que par des critères prédéfinis. Si la démarche de plan de collection est une véritable avancée, ses effets ont encore du mal à se faire sentir sur le terrain. Seuls 60% des programmes d'élevage évoluent dans la direction souhaitée par le coordinateur (augmentation ou baisse de la population), pour des raisons plus ou moins dépendantes des parcs.
Powell argumente aussi que dans un contexte d'espace limité, favoriser une espèce revient plus ou moins à en déclasser une ou plusieurs. Pour l'instant, le plan de collection s'effectue au niveau du TAG. Pourtant recommander aux zoos de détenir l’âne de Somalie par exemple, n'impacte pas uniquement les autres équidés sauvages mais probablement l'espace disponible pour d'autres ongulés africains. Il serait donc intéressant de construire les plans de collection à un niveau plus élevé pour prendre en considération le fait que les TAG se disputent des espaces semblables. L'application de la même démarche pour tous les ongulés plutôt que séparément pour les girafidés, camélidés, caprins, équidés, tapirs et rhinos, antilopes, bovidés et porcins, tous séparés, pourrait donner lieu à des résultats différents.

Analyse des programmes d'élevage
Sur un panel de 472 programmes d'élevage de l'AZA retenu dans l'échantillon, l'auteur a classé les programmes en trois catégories (vert, orange et rouge) selon plusieurs facteurs pertinents pour estimer la "durabilité" de la population américaine.
Il révèle que seul 200 d'entre eux comportent plus de 20 fondateurs et seulement 70 plus de 40 fondateurs ! La "soutenabilité" à long terme des populations des programmes comportant moins de 20 fondateurs est donc critiquable.

Une analyse des plans de collection successivement produit par l'AZA montre que ses ambitions sont bien trop élevées. Seul 35% des programmes d'élevage satisfont une cible, relativement basse d'un point de vue génétique, de 100 individus. Pour respecter cette cible pour l'ensemble des SSP, il faudrait créer l'équivalent de 12 300 espaces additionnels, allant de l'éléphant au crapaud, soit 54 "places" par institution.
Le concept de "place" peut paraître critiquable car c'est évidemment différents d'héberger 54 grenouilles ou un troupeau de 50 éléphants. Pourtant le TAG des amphibiens est en manque criant d'espace pour maintenir péniblement 7 programmes d'élevage alors que de nombreuses autres espèces candidates ne peuvent se développer faute d'espace.
Powell poursuit son étude en augmentant la taille cible des populations pour mieux respecter les contraintes génétiques. Le besoin d'espace additionnel devient exponentiel... La conclusion de cette première partie, est qu'avec une cible de 230 individus, l'AZA n'est capable de gérer que 254 espèces alors qu'il existe 500 SSP. Evidemment, il faut déjà commencer par ne pas créer de nouveaux programmes pour des espèces détenues mais non menacées.

Actions
Au niveau des parcs
Les pistes pour augmenter les capacités sont le suivantes :
- Remplir et adapter les espaces existants autant que possible
- Construire plus d'installations, notamment capables d'accueillir plusieurs groupes reproducteurs, et au moins une ou deux générations successives avant qu'elles ne puissent être placées.
- Densifier en multipliant les présentations mixtes
La différence qui peut être provoquée chez certaines petites espèces par la création de capacités d'élevage est énorme et pour un coût faible.

Enfin l'auteur aborde la pratique de l’euthanasie comme méthode de management de population, permettant de diminuer l'espace effectivement nécessaire pour assurer la durabilité d'une population.
Des voies s'élèvent contre cette uniformisation des collections et l'auteur remarque que pourtant, à travers le continent, les mêmes savanes à girafes et zèbres se sont disséminées et que systématiquement, les makis catta ont systématiquement été les premiers lémuriens sélectionnés.

A l'échelle des curateurs/responsables de programme
Une des priorités des curateurs devrait être selon l'auteur, la recherche de nouveaux fondateurs, dans des collections privées, des centres de réhabilitation, éleveurs commerciaux, saisies douanières, ranch de chasse ou laboratoires. L'auteur préconise une analyse pragmatique coût/bénéfices qui peut ponctuellement justifier de dépasser certaines règles d'éthique et "zones de confort" s'ils permettent de préserver une espèce. Sinon il faut simplement abandonner l'élevage captif de l’espèce et de la "Promise list".
Une autre préoccupation est la maximisation de la capacité de reproduction de l'espèce quand cela est nécessaire. L'exemple est donné de la ptilope à cou rose, qui selon les projections devait s'éteindre aux USA. La concentration de toute la population au zoo de Toledo a permis de sauver cette population qui est désormais en expansion.
Enfin l'auteur questionne le management séparé des sous-espèces. Devant l'incertitude du concept de sous-espèce et leur remise en question incessante, il exprime clairement une préférence au mixage entre sous-populations qu'un management différencié menant à une extinction à moyen-terme.

A l'échelle des associations régionales et des TAGS
Le besoin de planification global n'est pas nouveau et quelques Global Species Management Plans (GSMP) sont déjà en place tout comme des réunions conjointes entre TAG.
Pour les espèces peu charismatiques, il est recommandé d'effectuer une division du travail en affectant chaque espèce à une région spécifique : tel dendrobate dans les zoos américains, tel crapaud dans les zoos australiens ect...
Les transferts inter-régionaux restent rares et couteux et la soutenabilité d'une espèce à l'échelle régionale reste importante. Une approche critique doit être adoptée et si une région est mieux placée pour conserver l'espèce, il ne faut pas alors hésiter à abandonner localement l'élevage.

Au sein de la région, il est nécessaire d'identifier des porte-drapeaux, spécialement dans les classes d'animaux peu charismatiques, pour lesquels la soutenabilité de la population est assurée. Ces espèces n'ont pas forcément besoin d'être menacées puisqu'elles peuvent servir d'ambassadeurs à des cousins plus menacés. L'exemple est donné des phasianidés où une seule espèce attractive pourrait générer des fonds pour d'autres plus en danger. Quel est le meilleur impact en terme de conservation : entre se concentrer sur des espèces en danger peu charismatiques ou bien des espèces non menacées mais plus attractives et générant plus de fonds?
Les plans de collection régionaux doivent être réduits, notamment dans les TAGS les plus riches en espèces, en prenant en compte ceux des autres régions, les contraintes génétiques mais aussi les populations captives en dehors des zoos, même si leur pedigree n'est pas connu.
Que ce soit pour les passionnés ou les professionnels, cela peut être difficile d'abandonner l'élevage d'une espèce. Souvent, quand une espèce disparaît des zoos, c'est pour de bon. Cela n'est pourtant pas irrémédiable. Surtout, cette démarche conduit à s'accrocher à quelques populations condamnées à disparaître à long terme et à leur consacrer un espace cruellement nécessaire à d'autres espèces. Les choix de collection étant à la main des institutions, de nombreuses espèces qui ne sont plus désirées persistent malgré les recommandations des TAGS. Il faut savoir sacrifier une partie de la diversité des collections à court-terme pour garder leur durabilité car avec de plus petites populations, vient le risque d'une viabilité réduite.

Voilà pour ce "résumé". Encore une fois, il s'agit d'une interprétation de ma part et j'encourage plutôt à lire la version originale. Je trouve la réflexion passionnante et le concept de "Promise List", c'est à dire de plan de collection régional à long terme pertinent.
Le seul point de désaccord concerne le passage sur les espèces à fort pouvoir d'attraction non menacées qui pourraient remplacer leurs semblables d'une espèce moins charismatique car il auraient un impact plus important sur le public. Je pense que c'est une histoire de culture, les zoos américains étant plutôt versés vers la capacité à rassembler d'importants dons. Quand il s'agit d'oiseaux, de reptiles ou d'amphibiens, je crois plutôt que l'impact est dans la manière d'expliquer l'enjeu conservatoire et les actions menées par l'institution.

Les zoos européens, de par leur nombre et leur capacités de détention plus grandes, me paraissent mieux armés pour continuer de maintenir une vaste diversité d'espèces menacées en captivité avec des populations saines à long terme. La nouvelle méthodologie utilisée par les TAG pour construire les plans de collection est très consommatrice de temps et vise à prendre en compte l'ensemble des objectifs des zoos.
Toutefois, le levier le plus important reste d'orienter toutes les capacités d'élevage vers les objectifs de conservation ce qui implique d’arrêter d'investir de l'argent pour élever tigres blancs, bisons d'Amérique et autres watusis. Autant dire que les critiques vis à vis de la profession ne sont pas prêtes de s'arrêter.
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Re: Plan de collection et gestion de l'espace

Messagepar Clemsy67 » Jeudi 26 Septembre 2019 10:41

Merci du partage Therabu : c'est un article très intéressant recouvrant tous les aspects importants des zoos d'aujourd'hui. Il faut bien sûr savoir rester critique, et s'il pointe la nécessité de collaborer avec les collections privées et les éleveurs, qui me parait juste, j'ai plus de mal avec la question de l'euthanasie pour libérer de la place (qu'il évoque sans pour autant la défendre).

Il mentionne aussi le fait que des espèces phares, qui sont réellement menacées et charismatiques ne sont pas nombreuses. Il me semble pourtant que tigres, gorilles, girafes par exemple sont très appréciées du public, et il existe des sous-espèces qu'il serait nécessaire de valoriser. Si les innombrables îles/volières à maki catta était utilisées pour une grande variété de lémuriens, le public n'en serait pas choqué.

Une phrase m'a particulièrement plu : "Zoos should critically analyze themselves species by species and determine whether they are consumers or producers [...]"
Les zoos sont-ils des producteurs ou des consommateurs ? Un zoo qui ne prévoit pas d'enclos secondaires de séparation en cas de reproduction, ou d'enclos multiples avec plusieurs couples reproducteurs d'une espèce donnée n'est alors plus qu'un consommateur.

L'article est pour moi utile parce qu'il montre aussi les obstacles auxquels il va falloir faire face. Alors que l'opinion publique se détériore, le besoin de sauvegarder des espèces s'accroît. Et peut-être faudra-t-il avoir recours à des captures en milieu naturel, ou des inséminations artificielles, voir d'euthanasies pour assurer la viabilité de populations captives.

Enfin, je pense qu'une partie du problème réside dans la liberté qu'ont les zoos : il n'y a pas d'institution réellement capable de leur imposer des plans de collection, des espèces à élever etc. La bonne volonté de chacun ne suffira pas pour résoudre un problème aussi global.
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Re: Plan de collection et gestion de l'espace

Messagepar Therabu » Vendredi 27 Septembre 2019 9:21

Clemsy67 a écrit:j'ai plus de mal avec la question de l'euthanasie pour libérer de la place (qu'il évoque sans pour autant la défendre).


J'hésite à ouvrir un sujet spécifique à cette question qui est plus complexe qu'il n'y paraît.

Il mentionne aussi le fait que des espèces phares, qui sont réellement menacées et charismatiques ne sont pas nombreuses. Il me semble pourtant que tigres, gorilles, girafes par exemple sont très appréciées du public, et il existe des sous-espèces qu'il serait nécessaire de valoriser.


Je pense que ce que veut dire l'auteur, c'est que les espèces qui "cochent" toutes les cases, celle qui sont des choix naturels, sont rares. La liste des espèces attractives, identifiées par tout le monde, menacées et dont on dispose d'une population saine et en expansion est relativement courte (cinquante espèces je pense). Elle comprend les espèces que tu cites mais déjà en dehors des mammifères, les exemples sont limités (manchots, crocodiliens, tortues géantes et perroquets à première vue).

Enfin, je pense qu'une partie du problème réside dans la liberté qu'ont les zoos : il n'y a pas d'institution réellement capable de leur imposer des plans de collection, des espèces à élever etc. La bonne volonté de chacun ne suffira pas pour résoudre un problème aussi global.


C'est effectivement une solution suboptimale mais ne peut-on pas s'attendre à un peu plus de discipline de la part de la profession ? Et un peu plus de fermeté de la part de l'association nationale ou régionale ? Je rappelle que la BIAZA a strictement interdit la reproduction intentionnelle des morphes non naturels tel que les tigres blancs depuis 2014...
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Re: Plan de collection et gestion de l'espace

Messagepar okapi » Vendredi 27 Septembre 2019 9:38

Merci Therabu! Ce qui est frappant, c'est cette succession de portes ouvertes: des enclos multiples à fins d'élevage? Une dimension coercitive à l'encontre des zoos bien trop libres dans leurs agissements? L'abandon des espèces inutiles au profit d'une vision plus fine de la conservation? S'appuyer sur les éleveurs privés souvent bien plus productifs que la plupart des grands zoos? Des zoos commerciaux et surtout commerciaux qui ne rêvent que d'être encore plus commerciaux et qui devraient s'acheter enfin une conduite? Ce sont des points maintes fois évoqués... Que les américains aient une épiphanie, c'est cool, mais est-ce que ça va changer quelque chose à brève échéance?
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Re: Plan de collection et gestion de l'espace

Messagepar Philippe » Vendredi 27 Septembre 2019 9:45

Merci de ce partage, Therabu...
Biofaune : l'actualité de la conservation in & ex situ : http://biofaune.canalblog.com - www.facebook.com/biofaune
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Re: Plan de collection et gestion de l'espace

Messagepar okapi » Vendredi 27 Septembre 2019 12:07

C'est vraiment un document passionnant en cela qu'il révèle toutes les faiblesses du secteur, qu'il évoque tout ce que Durrell a préconisé il y a quarante ans et qui n'a pas ou peu été suivi d'effets. Nos grands zoos privés sont des machines à cash et se parent d'un léger vernis conservatoire pour justifier leurs appétits toujours plus grands... Un zoo doit être "attractif" et conciliant avec ses impératifs de marge et le goût du public: vraiment?
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Re: Plan de collection et gestion de l'espace

Messagepar Therabu » Vendredi 27 Septembre 2019 13:19

Même en prenant en compte les limites intrinsèques des zoos qui doivent conjuguer des objectifs parfois contradictoires, il y a de formidables avancées à effectuer au niveau des approches globales au niveau des TAG et des associations régionales.
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Re: Plan de collection et gestion de l'espace

Messagepar super'Doué » Vendredi 27 Septembre 2019 13:19

Sujet hyper intéressant. En Europe on se débrouille mieux mais niveau des espèces inutiles, j'entends par là des espèces pas en danger, on est encore forts. L'exemple qui me frappe c'est les dromadaires.
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Re: Plan de collection et gestion de l'espace

Messagepar okapi » Samedi 28 Septembre 2019 9:21

C'est un peu comme passer au bio après des décennies d'intensif... Exhiber des animaux vivants est un business en soi et ce que la plupart des parcs considèrent comme un devoir, c'est de le faire le mieux possible, mais nos directeurs ne sont pas souvent des scientifiques et s'ils font le choix de s'entourer de compétences ad hoc pour la dimension conservatoire, ce n'est pas toujours facile à gérer en fonction des paramètres économiques. Je sais bien que c'est brutal, mais comme pour la guerre qui est "un sujet bien trop important pour le laisser aux militaires", je pense que la conservation est un sujet bien trop important pour le laisser aux zoos et que tant qu'il y aura une dimension commerciale attachée à cette activité, peu de choses évolueront vraiment dans cette petite sphère très protégée.
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Re: Plan de collection et gestion de l'espace

Messagepar orycterope » Samedi 28 Septembre 2019 9:30

Merci Therabu pour le partage, très intéressant article !

La situation européenne est en effet légèrement différente : il y a plus d'institutions, plus de variabilité climatique (entre la suède et le moyen-orient par exemple), surement plus de disparité entre les zoos, et probablement plus d'espèces.
Nos zoos européens me semblent aussi plus difficile à étendre (de nombreux dans les villes, et la densité de population de l'europe est bien plus forte (155 habitants au km² contre 35 au USA, et 4,1 au Canada...)
Les éleveurs privés sont aussi présents en Europe, mais ne possèdent pas de vaste collection de grands mammifères comme le décrit l'article.

Néanmoins, la situation est généralisable à l'Europe : énormément d'espèces avec de faibles effectifs, et quelques espèces "qu'il faut avoir", ou facile à reproduire avec donc de grands effectifs. Et comme aussi bien expliqués dans l'article, malgré ce nombre énorme d'espèces, on a tendance à avoir des zoos avec des collections similaires, car chaque parcs s'est doté de "sa" savane africaine, "sa" pampa, ou "ses" tigres blancs, au dépens des espèces ne pouvant pas être présentés en savanes (les oryx notamment?), et souvent au dépens de la reproduction de ces espèces.

L'article met en avant la nécessité d'une coopération régionale afin de définir les listes d'espèces, mais malgré la démarche des TAGs européens avec les Regional Collection Plans (RCP), on en est encore très loin en Europe, notamment quand on voit que malgré l'abandon préconisé des gaurs, un parc (j'ai oublié le nom) vient d'en importer, et que de nombreux parcs importent des espèces dont la faiblesse des effectifs en Europe ne permet pas le maintien viable (on parle d'un horizon de 100 dans l'article, mais je pense que nombre de directeurs ont du mal à voir plus loin que 10 ans...) : je pense au douc ou au pygargue glabre de Beauval, à la sous-espèce de koalas à Pairi Daiza (et pour quel résultat...), ou encore aux nombreuses espèces, non menacés et unique en Europe qui viennent d'arriver à Hamerton (l'article parle de population devant être fondés par 20-50 individus au minimum...).

Nos collections ont-elles vraiment besoin de ces espèces ? Si le nombre d'espèces en captivité en Europe était diminués par 2,3 voir 5, le public y verrait-t'il vraiment quelque chose? 9111 espèces sont rentrés sur zootierliste avec au moins une institution en présentant actuellement, mais seulement 2473 sont présentés par au moins 10 institutions et 297 par 100 ou plus !
Avec seulement 1000 espèces dans les collections européennes (ce qui reste énorme!), aurait t'on des zoos tous identiques? Je ne pense pas car un zoo ne se démarque pas que par les espèces qu'ils présentent, mais aussi par la manière de les présenter.
Et le rôle pédagogique peut lui aussi être réalisé avec un nombre limité d'espèces (l'article illustrant cela par l'exemple d'une espèce de faisan commune porte parole de tous les faisans!).

Cela semble peut-être décision difficile de "virer" certaines espèces communes de nos collections, ou non menacées, pour les remplacer par des plus nécessitant d'espace, mais c'est surtout une décision plus difficile pour nous, amateur de raretés, ou pour les directeurs, que pour les visiteurs, qui n'y verraient que du feu !
Sanglier des visayas/babiroussa à la place des potamochères, zèbre de grévy ou des montagnes à la place des zèbres des plaines, pécari à lèvres blanches ou du Chacos à la place des pécaris à collier, vison d'europe et binturong à la place des suricates, mangoustes, ou encore martre à gorge jaune, ou encore adieu hyène tachetée et protèle (non menacé), bienvenue hyène rayée, loup à crinière et dhôle!
Notez que dans les espèces que j'ai cité, beaucoup sont des EEP manquant de places (sanglier des Visayas, pécaris à lèvres blanches, vison, loup à crinière...)

On est encore très loin, mais étant donné les capacités limités de nos parcs, j'espère qu'on se dirigera un jour par là... faut bien être optimiste :mrgreen:

Je suis totalement contre les prélèvements dans la nature, qui contribuent à alimenter le trafic et se soldent souvent par des échecs (#Nausicaa ou vaquita), surtout vus le nombre d'espèces que nous avons déjà en captivité, mais par contre totalement pour le recours aux éleveurs, afin de reproduire des espèces dont les zoos serait simples "consommateurs", n'ayant pas les capacités ou la tranquillité nécessaire à leur élevage. Le recours au technique actuel de génétique permet de plus d'outrepasser la barrière de la provenance des individus qui pouvaient faire peur autrefois, cela devrait devenir facile de savoir d'où vient un individu.

Le recours à l'euthanasie nécessiterait un sujet comme l'a dit therabu, et personnellement, cela me semble une option intéressante... Attendre qu'une population de centaines de zèbres meurent peut être très long, afin de laisser de la place rapidement pour les suivants, et comme le montre l'article, une augmentation rapide de la population peut être très bénéfique pour le maintien de la diversité génétique. Surtout qu'il peut toujours y avoir des problèmes de contraception, qui retarderont encore la disparition de telles espèces de nos populations.
Il y a bien sur la question éthique, de "pourquoi élever des animaux si c'est pour les tuer ensuite", mais c'est un peu le principe de l'élevage industrielle, et comme au moins 90% des visiteurs des zoos mangent de la viande...

Il y aura surement des choix difficiles et douloureux à faire pour la conservation, mais entre abattre quelques ongulés très communs et préserver la population captive d'une espèce en voie de disparition, ou laisser vivre ces mêmes ongulés communs, mais dans le même temps laisser disparaître les populations captives de rareté, je pense que mon choix serait vite fait...

C'est un peu comme si un gestionnaire d'espace naturelle refusait de renaturer un ancien site industriel en un marais de peur de voir disparaitre les populations de cloportes et de rats qui y proliféraient
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Re: Plan de collection et gestion de l'espace

Messagepar Clemsy67 » Samedi 28 Septembre 2019 10:03

A noter que l'article mentionne aussi la question des sous-espèces : faut-il s'entêter à séparer les populations captives selon les sous-espèces ? Il écrit à juste titre qu'une population trop faible a peu de diversité génétique, et que mixer les sous-espèces permet d'apporter du sang neuf. Il cite notamment l'exemple des mouflons du désert nord-américains (Ovis canadensis nelsoni) dont les trois ssp ont été fusionnées, permettant de relancer l'élevage.

JulesDomalain a écrit:Je suis totalement contre les prélèvements dans la nature, qui contribuent à alimenter le trafic et se soldent souvent par des échecs (#Nausicaa ou vaquita), surtout vus le nombre d'espèces que nous avons déjà en captivité, mais par contre totalement pour le recours aux éleveurs, afin de reproduire des espèces dont les zoos serait simples "consommateurs", n'ayant pas les capacités ou la tranquillité nécessaire à leur élevage. Le recours au technique actuel de génétique permet de plus d'outrepasser la barrière de la provenance des individus qui pouvaient faire peur autrefois, cela devrait devenir facile de savoir d'où vient un individu.


Je suis d'accord avec la majorité de tes arguments, je ne comprend juste pas cet exemple : ne faut-il pas plutôt qu'éleveurs et zoos collaborent pour devenir tous les deux "producteurs" ? Si l'un consomme ce que l'autre produit, ça n'avance pas beaucoup la conservation.

JulesDomalain a écrit:C'est un peu comme si un gestionnaire d'espace naturelle refusait de renaturer un ancien site industriel en un marais de peur de voir disparaitre les populations de cloportes et de rats qui y proliféraient


Bel exemple ! :lol:
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Re: Plan de collection et gestion de l'espace

Messagepar orycterope » Samedi 28 Septembre 2019 11:16

Clemsy67 a écrit:Je suis d'accord avec la majorité de tes arguments, je ne comprend juste pas cet exemple : ne faut-il pas plutôt qu'éleveurs et zoos collaborent pour devenir tous les deux "producteurs" ? Si l'un consomme ce que l'autre produit, ça n'avance pas beaucoup la conservation.


Je pense que pour certaines espèces d'oiseaux, il est malheureusement très dur d'arriver à les reproduire tout en les présentant en public, c'est pour ça que je parlais d'un rôle de "consommateur" des zoos, qui pourrait présenter uniquement des mâles ou des individus inaptes à la reproduction (trop vieux, pas intéressant génétiquement), afin d'avoir un rôle d'ambassadeur auprès du public, qui pourrait servir à récolter des fonds pour élever ces mêmes espèces en coulisses, ou donc dans des élevages privés.

Il doit y avoir des éleveurs d'oiseaux qui s'y connaissent bien mieux que moi sur le forum (Vinch, Thomas JP?) mais le taux de reproduction de nos parcs pour de nombreuses espèces (grues, colombidés, touracos, ...) me semblent bien plus bas que celui des éleveurs.
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Re: Plan de collection et gestion de l'espace

Messagepar Therabu » Lundi 30 Septembre 2019 7:57

@Clemsy67, concernant les mouflons américains, il ne s'agit pas vraiment d'une initiative de mélanger les sous-espèces. C'est plutôt un reclassement par l'administration américaine qui a considéré que ces populations du sud-ouest ne formaient des sous-espèces valides. Par conséquent les trois groupes gérés de manière séparées n'avaient plus de raison de l'être et cela a permis à la population détenue en zoos d'atteindre une taille et une diversité critique.
In fine, l'argument est que la définition d'espèce faisant déjà débat dans la communauté scientifique, celle de sous-espèce est encore plus variable. Il dit donc qu'un concept aussi incertain ne doit pas être érigé en dogme à respecter à tout prix et que lorsque la population ne peut être gérée au niveau de la sous-espèce, il vaut mieux accepter de perdre une supposée pureté plutôt que de perdre simplement la population sous gestion humaine.

@JulesDomalain, c'est vrai que les éleveurs reproduisent mieux beaucoup d'oiseaux mais je ne suis pas sûr que la tranquillité offerte aux oiseaux soit le critère principal. La présentation sous volière pour les échassiers ou la concurrence entre couples chez les calaos me paraissent être ces critères tout aussi primordiaux. Et surtout, cela appelle à la création de capacités d'élevages en coulisses. Quelques volières à amazones en coulisses ne me paraissent pas être des investissements insurmontables pour les parcs, tout comme quelques vivariums à amphibiens.
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Re: Plan de collection et gestion de l'espace

Messagepar okapi » Lundi 30 Septembre 2019 12:59

Ce n'est certes pas un investissement insurmontable, mais alors pourquoi nos parcs ne possèdent-ils pas des dizaines de volières de ce type et autant de vivariums? Pourquoi à votre avis nos parcs se glorifient-ils autant à chaque fois d'une naissance de gros mammifère dont on sait que l'individu ne servira qu'à enrichir les collections des parcs eux-mêmes, agents d'un réseau efficace pour ne pas disparaître, alors qu'ils ne se préoccupent pas ou si peu d'insectes, d'amphibiens ou d'oiseaux?
Et la question de l'abattage des animaux surnuméraires comme principe de gestion d'un groupe, c'est une vraie donnée à prendre en compte. Le cas de la girafe danoise a eu pour effet de rendre plus discrets que jamais les zoos qui tuent pour faire de la place et des économies, mais nous savons bien que des milliers d'animaux disparaissent ainsi des registres des parcs.
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Re: Plan de collection et gestion de l'espace

Messagepar Therabu » Lundi 18 Novembre 2019 9:10

Je relance le sujet suite à un article posté sur le forum par Antoine, issu de ça m'intéresse et qui indique que 3% des espèces présentes dans les zoos français sont menacées d'après l'association Born Free.
Le lien vers le sujet : https://www.leszoosdanslemonde.com/foru ... 6&start=75

N'étant jamais mieux servi que par soi-même, j'ai entamé quelques recherches, pour l'instant concernant uniquement les mammifères. Malheureusement, les chiffres avancées par la fondation Born Free ne sont pas auditables et l'on n'en sait guère plus sur la méthodologie.

Je me suis donc servi de Zootierliste pour recenser le nombre d'espèces présentes en France métropolitaine. Le décompte nous amène au chiffre de 385 espèces de mammifères sauvages dans les espaces zoologiques français. Ci-dessous, les chiffres en détail et valeur absolue.

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Par nature, cette étude comporte une énorme faiblesse puisqu'elle donne le même poids à une espèce représentée par un vieil individu isolé, dernier survivant d'une population ancienne et une population saine et génétiquement viable. Toutefois, des statistiques partielles valent à mon avis mieux que rien du tout !

Il en ressort que 40% des mammifères sont classés comme en danger selon l'UICN. Plus de la moitié (51%) sont classées en préoccupation majeure. Ce chiffre apparaît au premier abord fort différent de celui de Born Free. Il y a fort à parier qu'en étendant l'étude aux oiseaux et reptiles (si j'en ai le temps), les résultats se rapprochent toutefois. Pour des raisons de lisibilité, j'ai inclus la catégorie "Eteint dans la nature" au sein de "En danger critique d'extinction".

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Sans surprises, selon l'ordre des mammifères, les résultats sont très variés. Par exemple 77% des périssodactyles détenus sont en danger quand seulement 7% des 46 espèces de rongeurs recensées. En retirant cet ordre important des mammifères, le taux d'espèces menacées du cheptel français monte à 45%, une augmentation significative mais pas non plus très importante.
A l'inverse d'autres études se focalisant uniquement sur le statut UICN, j'ai également pris en compte que les zoos avaient pour rôle de présenter la faune locale même si elle n'était pas menacée au niveau mondial. Ainsi, le critère "faune locale", justifie la présentation de 16% des artiodactyles en préoccupation mineure, 18% des carnivores, 22% des rongeurs et 100% des cétacés (comme quoi on peut tout faire dire aux chiffres :mrgreen: )

Trois grands ordres dominent largement ce cheptel et reflètent la majeure des plans de collections des parcs français centrés sur les carnivores (99 espèces), primates (95) et artiodactyles (93, 106 si l'on ajoute les périssodactyles).

Je suis donc allé voir à une maille inférieure concernant ces trois grandes familles.
Pour les carnivores, je tiens à préciser que j'ai séparé les sous-espèces de léopards, de tigres et lions africains et lions indiens pour refléter le fait qu'ils constituaient chacun des populations significatives gérées de manière séparées. C'est peut être une liberté critiquable mais il me semble que cela retranscris mieux la manière dont sont gérées les populations.
Sans surprise, la famille des grands félins présente un profil très menacé (13/14 taxons), tout comme celui des ursidés. A l'inverse, plus de la moitié des petits félins sont classés en préoccupation majeure. On remarque enfin que des familles entières sont représentées par des espèces non menacées (mangoustes, pinnipèdes, hyénidés, procyonidés).

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Les primates sont à l'échelle mondiale l'une des classe d’animaux les plus touchées par les menaces d'extinction. Les anthropoïdes et prosimiens présentés en France sont presque tous classés comme menacées. Par contre, il semble que les singes du nouveau monde maintenus ne soient pas si menacés dans l'ensemble, "seulement" 38%.

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Enfin, chez les ongulés aussi on remarque une forte hétérogénéité avec des familles entières non menacées. Cette classe est plus difficile à analyser en raison de l'éclatement des familles. Les deux seules véritablement significatives étant les cervidés (22 espèces) et les caprins (14 espèces). C'est pourquoi je vous propose plutôt de regrouper certaines familles même si c'est "taxinomaniquement" eronné. Il y a pour le coup moins d'hétérogénéité et seuls les cerfs et antilopes se situent sous les 50% d'espèces menacées mais ce sont aussi les plus représentés. J'ai, comme chez les grands félins, pris la liberté de dissocier les différentes sous-espèces de girafes pour mieux représenter la manière dont les populations étaient gérées.

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Mais alors, 40% d'espèces de mammifères menacées en captivité, c'est bien ou pas ? Pour se faire une idée, j'ai comparé avec les statistiques de l'UICN. Selon l'organisation, 21% des espèces de mammifères dans le monde sont menacées d'extinction. Les espèces de mammifères menacées seraient donc deux fois plus représentées dans les zoos que dans la nature, démontrant ainsi leur focus sur les espèces en voie d'extinction.
Toutefois, il faut prendre en compte deux bémols importants :
- 15% des espèces sont classées "Data deficient". elles pourraient tout aussi bien être LC que CR.
- la répartition entre les ordres de mammifères captifs et la totalité des espèces répertoriées n'a rien à voir. Les rongeurs, chiroptères et insectivores constituent 70% des mammifères contre seulement 14% dans les zoos. Or, ces classes sont relativement épargnées en termes de menaces.
Ainsi, si les zoos exhibent bien une plus grande proportion d'espèces menacées comme on doit s'y attendre de leur part, ce n'est pas leur travail de sélection des espèces qui est responsable mais que les ordres historiquement sur-représentés dans les zoos (primates, carnivore et ongulés) sont plus fortement touchés par le phénomène de disparition.

Pour évaluer le fait que les zoos se concentrent effectivement aux espèces menacées, j'ai décidé de comparer la prévalence des espèces fortement menacées dans les zoos par rapport au milieu naturel à l'échelle des ordres principaux, à savoir carnivores, primates, artiodactyles auxquels j'ai ajouté les marsupiaux. Pour les autres ordres, les tailles d'échantillon (en captivité ou en milieu naturel me paraissaient trop faibles).

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Le tableau ci-dessus montre donc le résultat de la soustraction entre la proportion d'espèces de chaque statut de conservation en zoo et celle constatée dans la nature. Plus prosaïquement, un chiffre positif élevé dans la catégorie "En danger critique d'extinction (CR)" signifie que pour cette catégorie de menace, le cheptel zoologique comprend bien plus d'espèces menacées que dans la nature. Si les zoos répliquaient exactement ce qui se passe dans la nature, les courbes se confondraient avec l'axe horizontal en 0.

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Le profil idéal que j'ai déterminé arbitrairement représente plus la forme de la courbe auquel l'on s'attend pour valider l'hypothèse démontrant une sur-représentation des espèces menacées en parc zoologique.
Au global, toutes espèces confondues, la courbe rouge est très satisfaisante et montre notamment que les zoos délaissent significativement les espèces en préoccupation majeure.
Pourtant, les courbes plus spécifiques concernant primates, marsupiaux et artiodactyles disent une vérité différente. A l'intérieur de ces ordres, il ne semble pas que les zoos présentent des cheptels significativement plus menacés que leurs consorts sauvages. Encore pire, on peut voir avec les courbes qui remontent à droite du graphique traduisent une sur-représentation des espèces en préoccupation mineure !
Seule la courbe des carnivores (bleue) adopte une forme satisfaisante, bien qu'un peu "plate" par rapport à la courbe idéale. Elle est peut être aussi fortement influencée par le fait de distinguer les sous espèces de grands félins.

Discussion et interprétation

Les interprétations que nous pouvons tirer de ces chiffres restent très limités. En effet, l'idéal serait de prendre en compte la taille des populations plutôt que le nombre d'espèces qui est très approximatif. Pour être encore plus précis, il faudrait monétiser ou convertir chaque individu en une unité de coût pour illustrer qu'héberger un éléphant ne coûte pas autant qu'un rat sauteur.
Il faut aussi prendre en compte que même avec la meilleure volonté du monde, les zoos travaillent avec des êtres et vivants et gérer ces populations, notamment celles d'animaux à forte longévité, ne peut se faire d'un claquement de doigts.
Il faut aussi prendre en compte que le périmètre concerné englobe tous les pars animaliers de France. Il pourrait être intéressant de comparer avec les résultats des institutions uniquement dans l'EAZA pour voir si une différence significative se dessinerait.
J'essaierais d'étendre le principe aux oiseaux et reptiles même si j'ai peur que Zootierliste soit moins précis.
Therabu
 
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