Le sens d'une collection

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Re: Le sens d'une collection

Messagepar raphaël » Dimanche 19 Août 2018 21:36

Pour commencer, j'ai un peu de mal avec ce mot "collection".
Il date d'une époque où le but du zoo et de son directeur était d'avoir le plus d'espèces possibles et le plus de raretés. Pour moi, une "collection" c'est quelque chose qui a pour but de devenir toujours plus important, ça s'accumule, ça s'agrandit.
Aujourd'hui les zoos ne sont plus du tout dans cette approche. Les espèces partent, ne sont pas remplacées, les enclos sont agrandis, on cherche surtout à mieux présenter les animaux. Pour eux mais aussi pour faire voyager et distraire le public, qui ne trouve finalement pas très excitant de longer vingt fois la même cage pour y voir vingt ouistitis ou perroquets différents. D'ailleurs, la connotation du mot est plutôt négative : scrutez les sites internets des zoos français, personne ne parle de "collection". Beauval se définit comme la plus importante "diversité zoologique" du pays.
Bon, quelle formule ou quel mot pourrait-on utiliser ? On reste sur "collection" faute de mieux ?
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Re: Le sens d'une collection

Messagepar raphaël » Dimanche 19 Août 2018 21:56

Globalement, les zoos européens et français sont tous des établissements ayant traversé plusieurs époques et connu plusieurs ères. Du zoo de ville géré par la municipalité, au petit zoo de campagne familial, certains sont devenus de grandes institutions mondiales, d'autres se sont spécialisés, réorientés, etc.
Difficile de garder un plan cohérent au fil des années. Une "collection" d'animaux sauvages, ça se cède moins facilement qu'une collection de timbres ou de cartes postales. Je serai curieux de connaître le nombre d'animaux vivant actuellement dans les zoos mais dont la direction aimerait se séparer, et pour lesquels on attend la mort pour changer d'espèces. Des servals, des macaques, des capucins, des perroquets, des watusis ou des ours bruns...

Dans l'idéal à mon sens, le choix des espèces ne peut aller contre le site d'implantation. La végétation, la déclivité, la température, la superficie doit déjà donner de premières indications. La question des moyens entre évidemment en jeu. Même si l'on a une prairie de 3 hectares dans sa campagne, on n'a pas forcément de quoi y faire venir des rhinocéros.
Il faut ensuite réussir à faire son choix parmi toutes les possibilités, en se demandant à chaque fois pourquoi et comment. Il plane souvent sur ce forum l'idée qu'en gros, il faudrait tout le temps choisir entre la conservation et le divertissement. Comme le petit diable et le petit ange qui font hésiter Milou. Malheureusement, si l'on peut dire, la situation de notre nature mondiale fait qu'il est très facile de concilier les deux.
Jersey a fait le choix de se tourner vers une mission totalement conservatoire, mais en paye les frais : la fréquentation de l'établissement de Durrell n'est pas bonne. Cela dit, rappelons que du temps de Gerald, le zoo avait aussi bien des lions et des babouins.

A mon sens, Doué a l'une des collections les plus pertinentes. On ne peut nier que la plupart des espèces accueillies sont en grand danger de disparition, et leur présence est directement légitimée par un lien envers un programme de conservation in-situ. Girafes, lions, tigres, ours, rhinocéros, singes, hippopotames pygmées, vautours, panthères, mangoustes, tortues géantes, manchots... On est sur une liste d'animaux tout à fait attractifs. Mais qui sont là pour quelque chose qui va au-delà.
Doué a fait le pari de faire partir, au fil des ans, pas mal d'espèces et a réussi à trouver des zoos pour caser les animaux non désirés. Tous n'ont pas cette possibilité ni forcément cette envie. Il faut bien imaginer que même si Mulhouse, Besançon ou Asson avaient envie de diviser par deux le nombre d'espèces de singes, il faudrait bien les mettre quelque part. Ces zoos-là gardent l'héritage d'une époque de collection pure.

On peut tout de même reprocher aux zoos (surtout français) un manque de motivation à s'investir dans les élevages conservatoires des petites espèces. Les rapports des TAG sont édifiants à ce sujet : pour les invertébrés ou amphibiens, un zoo tout seul peut quasiment prendre en charge tout un élevage et sauver une espèce. Cela demande certes un investissement, mais qui paraît tout à fait dans les cordes des 10 voire 15 plus riches zoos français. Ce serait en plus tellement valorisant auprès des publics, des scolaires et de la presse. Thoiry joue le jeu avec l'Arche des ptites bêtes, Besançon est aussi très investi. Il pourrait y avoir des invertébrés dans le Dôme de Beauval, dans une serre d'Amnéville, chez monsieur Sauveur ou dans les serres de Cerza-Biotropica. On n'y est pas encore.

Les zoos peuvent encore faire plus dans leur engagement pour la conservation, surtout pour toutes ces petites espèces. La présence des plus grosses, des plus imposantes, sert à obtenir les moyens pour se lancer dans la conservation d'animaux moins attrayants. Cela dit, gardons à l'esprit que les zoos sont des acteurs certes importants, mais toujours secondaires de la conservation de la nature. Ils aident, ils soutiennent, ils initient et participent, mais ils ne feront pas tout tout seul. C'est leur donner une responsabilité trop lourde.
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Re: Le sens d'une collection

Messagepar okapi » Dimanche 19 Août 2018 22:04

Une collection, ça peut aussi être un symbole d'harmonie, un ensemble cohérent dont tous les éléments se répondent et pas seulement un principe d'accumulation. Une collection, c'est aussi le résultat d'une sélection, l'expression d'une succession de choix et ce n'est pas toujours un assemblage estimable sur la quantité, mais aussi et surtout sur la qualité... Crois-en un ardent... collectionneur!
Cela dit, je ne suis pas sûr que les zoos ne soient plus dans cette "approche" accumulatrice... Le principe de nouveauté plaiderait plutôt pour le contraire: idéalement, on parle d'extension(s), de nouvelles espèces... Donc plutôt d'ajouts que de retranchements...
Ce principe de plusieurs volières ou enclos avec les mêmes animaux, c'est précisément ce que souhaitait Durrell et c'est très exactement ce qu'il pensait être le plus dur à mettre en oeuvre dans des zoos commerciaux...
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