Rodolphe Delord, directeur général du Zoo de Beauval, l'homme qui a l'oreille d'Emmanuel Macron
Rodolphe Delord, directeur du zooparc de Beauval, mise sur le patriotisme économique et sur le nouveau dôme équatorial pour faire le plein de visiteurs cet été.
Locomotive touristique du Centre-Val de Loire, le zooparc de Beauval (Saint-Aignan, Loir-et-Cher) a perdu 30 millions d'euros durant le confinement. Son directeur général, Rodolphe Delord, est aussi à la tête de l'association française des parcs zoologiques. A ce titre, il a prôné une réouverture au plus vite des sites touristiques auprès du gouvernement. Et même d'Emmanuel Macron. Un lobbying qui a payé.
Comme tous les lieux recevant du public, le zooparc a été contraint de fermer ses portes mi-mars. Comment a-t-il vécu cette période ?
Nous avons perdu environ 40 % de notre chiffre d'affaires annuel, soit une perte de 30 millions d'euros. Avril, mai et juin sont, avec août, nos plus gros mois. De plus, cette année, le calendrier était bon, avec de longs week-end fériés en mai (les 1er et 8 mai tombaient un vendredi, NDLR), une situation qui n'arrive que tous les quatre ou cinq ans. On a donc perdu avril et les vacances de Pâques, mai et les ponts. Enfin, en juin, outre le week-end de Pentecôte, on reçoit d'ordinaire de nombreux voyages scolaires et de comités d'entreprise. Tout cela a été annulé.
Le zooparc de Beauval, à Saint-Aignan-sur-Cher, rouvre ses grilles ce mardi 2 juin
Quelles ont été les répercussions sur l'emploi ?
Nous avions déjà commencé à recruter des saisonniers dès février et l'ouverture du dôme. Lors de la fermeture, 575 personnes ont été placées en chômage partiel et 210 ont continué à travailler, comme les soigneurs, les vétérinaires, les agents de maintenance, les services techniques... Je voulais que le parc soit entretenu de la même façon que s'il était ouvert, qu'il reste propre pour être prêt à rouvrir dès le jour de l'autorisation.
Aujourd'hui, le chômage partiel est levé à 90 %. Et cette année, en juillet-août, le parc emploiera environ 900 personnes, contre environ 1.000 initialement prévues.
Le parc pourra-t-il surmonter ce manque à gagner ?
Je suis optimiste. D'abord, nous avions ouvert le nouveau dôme équatorial en février et le parc, avec les vacances d'hiver, a enregistré des chiffres similaires à une mi-juillet. Nous avons pu faire de la trésorerie avant la fermeture et le confinement.
Le nouveau dôme tropical du zoo de Beauval en quinze chiffres-clés
De plus, nos gros investissements (la terre des lions en 2017, la télécabine en 2019, le dôme en 2020, soit 105 millions d'euros de 2012 à 2020, NDLR) étaient réalisés et nous avions de toute manière prévu une pause pour les deux ou trois ans à venir. Enfin, nous misons beaucoup sur cet été. Par ailleurs, le gouvernement a bien travaillé durant cette crise avec les mesures de financement du chômage partiel, le décalage d'échéances d'emprunts, le prêt garanti par l'Etat (PGE), etc.
Il y a déjà une tendance ?
Lorsque la fermeture des sites accueillant du public et le confinement ont été décidés, nos hôtels (Beauval en gère quatre pour environ 400 chambres, NDLR) étaient complets. Rien qu'en mars, nous avons perdu 4 millions d'euros. Nous avons dû décaler les réservations, rembourser les clients qui le souhaitaient, etc. Du jour au lendemain, les téléphones de notre centrale de réservation, qui emploie dix personnes, ont été muets. Mais dès l'annonce de la fin de l'interdiction des déplacements au-delà de 100 km et du déconfinement, ils se sont remis à sonner et les réservations ont explosé pour juillet, août, septembre, et même octobre...
Un dôme équatorial pour les 40 ans du Zoo de Beauval, et bon espoir de prolonger la présence des pandas
Vous misez sur le patriotisme économique ?
La clientèle de Beauval, c'est 98% de visiteurs français, à la différence des châteaux de la Loire. Et au vu de la situation mondiale, de nombreux Français, qui effectuent près de 25 millions de voyages à l'étranger par an, vont rester dans l'Hexagone. Ils vont privilégier les sites français et ce sont des touristes qui ont du pouvoir d'achat.
Le ZooParc de Beauval en chiffres
Quel a été votre rôle auprès du gouvernement, voire du président lui-même pour la réouverture des parcs zoologiques ?
En tant que président de l'association des parcs zoologiques français, j'ai eu une réunion avec Emmanuel Macron. J'avais obtenu qu'on puisse rouvrir, pour Beauval, le 2 juin, et tant pis pour l'Ascension (qui représente 5% de notre chiffre d'affaires annuel) et Pentecôte (qui est notre plus gros week-end de l'année). Mais j'avais aussi obtenu que d'autres parcs animaliers puissent ouvrir avant le 2 juin, sur dérogation du préfet. J'ai dit au président (dont la femme, Brigitte, est la marraine du bébé panda né en 2017 à Beauval, NDLR) et à Edouard Philippe : "Faites-nous confiance. On est des professionnels du tourisme et donc de l'accueil, on sait faire et on sait s'adapter aux contraintes, comme nous l'avons prouvé avec Vigipirate par exemple". Pour Beauval, nous avons présenté au préfet un protocole sanitaire de 40 pages, qui va bien au-delà des préconisations. Mais globalement, on a l'impression que le gouvernement prend en compte le tourisme, qui pèse quand même 8 % du PIB (produit intérieur brut).
Quel est ce protocole, justement ?
Le port du masque dans les quatre serres, le dôme tropical et les spectacles, l'installation de 80 bornes à pédale pour distribuer du gel hydroalcoolique, la fourniture de 90.000 masques aux salariés, l'instauration d'un sens de circulation dans les serres, la condamnation d'une caisse sur deux à l'entrée, les tables espacées dans les restaurants, la matérialisation au sol de repères pour le respect des distances de sécurité (par exemple des portraits de panda réalisés au pochoir lorsqu'on attend pour prendre la télécabine, NDLR)... Le tout représente un investissement de 100.000 euros. Par ailleurs, puisque la jauge de l'amphithéâtre est réduite avec les règles de distanciation physique, nous avons augmenté le nombre de spectacles par jour pour les otaries, les rapaces, etc. Les gens ont besoin d'être rassurés mais ne semblent pas inquiets.
Comment a vécu le parc pendant le confinement ?
Les animaux n'ont pas souffert du confinement. Ils ont été soignés normalement, nourris normalement. Ils semblaient même surpris de ne plus voir le public. Quand je me promenais seul dans le parc, tôt le matin, ils venaient me voir, semblaient contents de venir à mon contact. Nous avons aussi enregistré des naissances d'antilopes, de singes (comme des petits tamarins ou cercopithèques), des rapaces, des perroquets. Bref, la vie a continué comme si de rien n'était.
Nous en avons profité aussi pour faire plusieurs petits travaux d'entretiens, des choses qu'on n'a pas le temps de faire d'habitude. Et je pense qu'on a rouvert un parc encore plus beau que d'habitude.
Source: https://www.leberry.fr/saint-aignan-411 ... 1/#refresh