par mordicus » Jeudi 09 Janvier 2020 21:19
Interview de Michel Louis dans le journal " La Semaine " / 9 janvier :
Pouvez-vous nous rappeler les termes de l'accord avec Prudentia capital ?
La demande de modification du plan d'apurement de la dette, déposée par mes soins, a été acceptée par le tribunal. Cette dernière inclut notamment l'accord noué par Prudentia avec les 13 banques créancières. Pas rien : mettre d'accord 13 banquiers c'est plus compliqué que de mettre d'accord 13 tigres. L'entrée majoritaire de Prudentia au capital en fait le nouveau propriétaire. Il est prévu que la Scop soit transformée en société commerciale. La participation antérieure due aux salariés, sera notamment assumée par le nouveau repreneur, ce qui représente une belle somme.
Quels ont été vos premiers échanges ?
C'est simple, ils m'ont fait comprendre que je ne serais plus le patron, et je leur ai listé les points sur lesquels je serais intransigeant.
Sur quoi avez-vous prévu de ne rien lâcher ?
Sur l'esprit du parc, l'ambiance fraternelle, amicale, qui existe ici et doit demeurer. Sur la participation aux programmes de conservation des espèces aussi. Il faut surtout les financer ce que nous avons toujours fait. Si nous avons été naturellement en recul ces dernières années en raison de notre situation financière, nous avons donné jusqu'à 500 000 euros à une certaine époque.
Et puis les spectacles, là non plus pas de renoncement. Ils sont le meilleur outil pédagogique et l'attrait principal du public.
Pensez-vous notamment à Tigerworld ?
A Tigerworld surtout ! C'est l'attraction la plus prisée par le public et cela sans perte de régime depuis l'ouverture avec 90 % des visiteurs qui se retrouvent dans la salle durant leur journée au zoo. Quelques uns y viennent même avec des réticences, parce qu'ils ont en tête les fouets qui claquent, à l'ancienne, et ils sont convertis par la relation si singulière de Rémi Flachaire à ses tigres.
Quel est votre état d'esprit après le jugement du tribunal ?
Je suis soulagé, avant tout pour les salariés du zoo. Le plein emploi est assuré et les droits acquis sont assurés. La solution auprès des créanciers bancaires a été trouvée, pour les autres ils ont le choix entre toucher le quart de leur créance immédiatement et faire une croix sur le reste, ou d'en percevoir l'intégralité de façon étalée. La plupart ont choisi cette option. Le gros problème était notre surendettement, il ne l'est plus, nous pouvons aller de l'avant.
Comment vivez-vous cette dépossession de votre bébé ?
Le bébé a grandi et il importe de l'aider à voler de ses propres ailes. Avec Prudentia nous signons un véritable pacte d'associés. J'avais besoin d'eux parce que j'étais étranglé par le surendettement, ils ont besoin de moi parce que j'ai l'expertise. Nous travaillons ensemble, même si ils deviennent les patrons.
Quels sont les changements à venir ?
Ils ont une expertise dans certains domaines que je ne peux ni ne veux maîtriser. Je pense à la communication et aux aspects liés aux réseaux sociaux par exemple. Je pense aussi à la dimension touristique et à tout ce qui concerne l'accueil et le confort sur quoi nous avons une marge de progrès : diminuer le temps d'accueil aux caisses les jours de forte affluence, améliorer la qualité des points de restauration et le confort des visiteurs avec l'installation de brumisateurs les jours de forte chaleur. Or, je suis un animalier, un gestionnaire, je ne suis pas un professionnel de la restauration.
Par contre, contrairement à ce qui a été dit, depuis les derniers gros investissements avec Tigerworld et les difficultés financières qui ont suivi, nous avons entretenu le parc. Nous avons investi notamment 4,5 millions d'euros dans le labo cuisine, la mise aux normes de la zone de quarantaine, ou la climatisation de Tigerworld dont le génial architecte nous avait promis qu'elle ne serait pas nécessaire.
Quelles sont les nouveautés à attendre ?
En termes d'espèces, des cerfs axis rejoindront les singes siamang. Il faudra revoir le système de filtration du bassin des otaries. Je pense surtout à la création d'un deuxième vivarium réservé aux serpents venimeux, mais il faudra prendre le temps de toutes les autorisations pour cet équipement hyper sécurisé. Nous avons une réserve de 3,5 hectares où nous pouvons imaginer des choses, et je suis titulaire de la capacité d'accueil de toutes les espèces.
Comment aviez vous vécu la parution d'un article à charge listant les dysfonctionnements du zoo peu avant le jugement du tribunal ?
Après 35 ans à la tête du zoo, je n'avais pas à me justifier de toutes ces âneries débitées et reprises sans vérification. Certaines choses se régleront plus tard, devant les tribunaux. J'ai l'habitude des combats et de la médiocrité, dès la formation du zoo j'ai eu à me battre. Ces propos sont surtout graves pour les salariés, pour le travail des soigneurs et vétérinaires qui a été remis en cause.
Par ailleurs, personne n'imagine que cet article ait été publié par hasard.
Aurait-il pu vous faire perdre votre repreneur ?
Le premier but des calomniateurs était évidemment de dissuader les investisseurs mais Prudentia a tout de suite compris. Peut-être espéraient-ils influencer le tribunal. Ce sont de petits esprits, machiavéliques, mais pas très intelligents parce que les juges n'aiment pas beaucoup qu'on s'amuse avec l'indépendance de la justice. Et puis pour nuire de manière générale, mais voilà, c'est loupé.
Ce zoo aura été un combat permanent.
Dans les années 80, nous avons été les premiers à ouvrir après les campagnes anti-zoos qui voulaient la fermeture de tous les parcs zoologiques. A l'époque il y avait Jean-Marc Vichard, moi et le maire d'Amnéville qui nous a servi de bouclier moral.
Nous incarnons une forme de résistance aux anti-spécistes, qui demain interdiront de monter à cheval avant de vous prendre votre chien. Certains parcs s'arrangent avec tout ça, moi je ne m'abaisse pas à collaborer avec l'ennemi.
Revenons à ce quatuor qui se serait bien vu à la tête du zoo, qu'en dites vous ?
Légalement ils avaient le droit de faire une proposition. Ils l'ont eu dans le baba et n'ont plus qu'à mordre la poussière. Ces attaques ont finalement achevé d'unir tout le monde, y compris les quelques salariés qui ont pu être dans le doute.
L'un des quatre, un ancien collaborateur que j'avais licencié pour faute grave, se voyait déjà calife à la place du calife. Depuis on n'entend plus parler d'eux.