Jacana, studio en voie d’extinction

Jacana, studio en voie d’extinction

Messagepar Philippe » Vendredi 06 Janvier 2017 19:28

Confronté aux réductions de coûts et à l’essor des créatures numériques, le dernier studio français de dressage animalier ferme ses portes. La fin d’une époque pour Jean-Philippe Varin, son propriétaire.

L’Ours, c’est lui. Tout comme le harfang des neiges dans Harry Potter et les oies du Peuple migrateur. Lui, c’est Jean-Philippe Varin, 77 ans, dresseur français historique des animaux au cinéma. Après une trentaine d’années de bons et loyaux services, ce spécialiste émérite ferme les portes de son gigantesque parc animalier, Jacana, installé en Sologne, près d’Orléans. Les frais d’élevage, des difficultés de gestion, la délocalisation à moindres coûts en Europe de l’Est des tournages et des éducateurs canins, la concurrence de jeunes professionnels souvent formés chez lui et l’avènement des créatures numériques ont eu raison de ce vestige d’un autre temps, placé en liquidation faute de rentabilité.

A l’entrée, dans la commune de Sainte-Montaine, le visiteur est fraîchement accueilli par un panneau «Danger» et une volumineuse tête de gorille. On se croirait presque dans Jurassic Park, si ce n’étaient les environs déserts et l’inondation qui a taché les murs.

On trouve là différents lieux dédiés aux tournages, à l’élevage des bêtes ainsi qu’à l’entraînement de comédiens parfois phobiques. Durant son âge d’or, Jacana a accueilli plus de 300 oiseaux et 25 employés. Devant les cages de la fauverie où se prélassent encore quelques tigres et un lion, le propriétaire indique : « C’est rouillé, comme moi. »
En 1996, [i]Libé[/i] tirait déjà le portrait de ce naturaliste passionné depuis sa plus tendre enfance par le dressage des chiens et des insectes. Dès 1968, Jean-Philippe Varin monte une agence photo, pionnière du genre en France, qui répertorie la faune et la flore. C’est au début des années 80 qu’il ouvre Jacana Wildlife Studios dans un parc verdoyant de 15 hectares. Il y a fait construire sa maison à partir des plans d’un manuel acheté chez Gibert Joseph : une longère normande à la déco tropicale avec poutres apparentes et animaux empaillés, face à un lac où évoluent des cerfs qui viennent parfois s’étendre sur son paillasson. Il y a élevé ses enfants, qui ont ensuite nourri les bébés tigres au biberon.

Des mois d’approche

On se souvient du chat rétif de la Nuit américaine qui, sollicité durant plusieurs prises, refusait de venir laper son lait. Si les animaux des studios Jacana ne sont pas prélevés dans la nature, ils requièrent néanmoins un conditionnement spécifique pour pouvoir paraître à l’écran : ainsi les grues du Peuple migrateur de Jacques Perrin ont-elles été imprégnées dans l’œuf puis élevées au bruit des drones. « On peut entrer en contact avec toute forme de vie, tigre, escargot, tout dépend comment on se comporte », explique Jean-Philippe Varin, qui a élaboré sa méthode et ses recettes - basées sur le jeu, la récompense et l’affection - en associant souvent des aliments à un signal sonore. Les bêtes sont entraînées à ne pas avoir peur de l’homme, ce qui nécessite parfois des mois d’approche - lui-même a été blessé, une seule fois, par un sanglier. « Il faut d’abord se dominer soi-même. L’homme ne punit jamais mais c’est le patron », précise-t-il après avoir envoyé promener en gesticulant un cerf en rut en pleine démonstration de force, montrant le blanc de l’œil et grattant le sol de ses sabots.

En faisant le tour du propriétaire, le dresseur, bottes aux pieds dans la gadoue, décline une liste de recommandations : il faut moins de temps pour préparer une cigogne qu’un marabout (compter trois semaines) ; parmi les animaux les plus demandés sur les plateaux, à savoir les chats et les chiens, les lièvres sont à déconseiller car cardiaques, contrairement aux lapins, l’idéal restant les hiboux, peu stressés. Dans des serres d’entraînement de 70 mètres de long, un aigle qui consomme en moyenne dix poussins par jour nécessite trois heures d’entretien quotidien pour effectuer dix vols devant la caméra (le «touch and go» - trajet d’un perchoir à un autre).

Le métier a évolué, par l’entremise de caméras numériques de plus en plus adaptées et performantes. L’atelier de Jean-Philippe Varin, lui, évoque fatalement Méliès, mêlant techniques de pointe et décor désuet. Bricoleur, le dresseur a conçu tout un arsenal adapté aux tournages : studio à insectes, aquariums, tapis roulants, terriers et plusieurs robots (non, la marmotte qui plie la tablette de chocolat n’était pas vivante). Un hangar abrite même un plateau de 800 m² pouvant se transformer en piscine, qui a été utilisée à l’occasion de spots publicitaires pour les enseignes Kenzo ou Dior.

Parmi tout un fatras qui s’empile et prend la poussière, on trouve des animaux en latex, un requin, un gros poisson de 3,20 m en mousse ou encore un théâtre pour poules. Varin a notamment à son actif d’avoir apprivoisé les chimpanzés remuants de la pub Omo, travaillé pour Martin Scorsese, Roman Polanski et pris sous son aile de jeunes apprentis comme Yann Arthus-Bertrand, «mogul» de la photo aérienne. Il résume : « Jean-Jacques Annaud prépare ses films des années à l’avance avec 1.400 dessins, alors qu’avec Claude Lelouch on ne sait jamais ce qu’on va faire. »

Varin, le futur retraité, a déjà prévu de participer à des conférences et de lancer une chaîne YouTube. Après plusieurs revirements, les acquéreurs potentiels du domaine devraient hériter d’une partie des animaux, le reste ayant été placé, notamment au Puy du Fou.

Il y a un an, une pétition courroucée sur le site Change.org intitulée «Cessons l’utilisation des animaux au nom de l’art ou du divertissement !» a mis le feu aux poudres en évoquant le sort du taureau charolais Easy Rider, d’un poids de 1,4 tonne et qui figurait dans l’opéra Moses und Aron de Schoenberg, mis en scène par Romeo Castellucci. Or, c’est Jean-Philippe Varin qui a facturé cette prestation de deux à trois minutes sur scène entre 5.000 et 6.000 euros la représentation, en comptant la location à des éleveurs et la préparation en amont du taureau, élevé au Schoenberg. Interrogé, celui-ci ne voit pas le problème : « Personne ne rouspète au Salon de l’agriculture. »

Pour les mouvements de défense des animaux montés au créneau, la condition animale résiste par définition à l’entertainment. Un militant détaille : « 99% des dresseurs sont des spécistes qui font de l’argent sur le dos d’animaux en cage, en laisse ou au bout d’un fouet. » En 2013, une retentissante enquête du Hollywood Reporter révélait la complicité de l’AHA (American Human Association) dans la maltraitance de bêtes, comme ces chevaux morts pendant la série de Michael Mann, Luck. Sans déplorer de décès, chez Jacana, des contrôles ont toutefois relevé plusieurs irrégularités, rapportait le Berry républicain, en 2014.

Dressage ou synthèse ?

Avec la sensibilisation croissante à la souffrance animale, les bêtes de synthèse gagnent du terrain. La figuration animale à l’écran relève à la fois de considérations éthiques, financières et esthétiques - parfois difficilement conciliables - et pose question. Comment mettre en scène l’animalité, voire la sauvagerie, tout en préservant l’intégrité d’interprètes à poils et à plumes qui n’ont pas leur mot à dire ?

Dans son documentaire La Vallée des loups (sorti le 4 janvier), Jean-Michel Bertrand a, lui, passé près de trois ans à crapahuter sur la piste de loups sauvages qu’il a captés en environnement naturel à l’aide de caméras automatiques. La démarche est honorable pour un résultat dispensable - à moins de disposer des budgets pharaoniques de la BBC, auteure de Planet Earth, le nec plus ultra du docu animalier.

D’autres objets estampillés « 100% naturels » telles les productions Disney Nature (Grizzly, 2014) font paradoxalement étalage d’une narration anthropomorphique manquant cruellement d’authenticité. Quant au récent Livre de la jungle de Jon Favreau, il a été réalisé en prise de vue réelle et en motion capture - aucun animal n’a joué dedans. Sous la supervision de Rob Legato, directeur d’effets spéciaux d’Avatar, Bagheera et Baloo, hyperréalistes jusqu’à saturation, manquent paradoxalement de vie.

Alors, dressage ou synthèse ? Financièrement, les deux options sont coûteuses. Ainsi, un faucon réalisé en images de synthèse apparaissant une minute coûte entre 50.000 et 80.000 euros, selon qu’il s’agit d’un gros plan, de détails ou d’une silhouette. Nicolas Deveaux, 37 ans, réalisateur et graphiste au studio d’effets spéciaux français Cube Creative, en a fait sa spécialité. Depuis une dizaine d’années, il estime que les outils ont évolué : l’animal, entièrement reconstitué d’après observation, est modélisé en 3D jusqu’à devenir une sculpture virtuelle avec un squelette numérique. « On peut désormais sculpter l’animal comme si on travaillait de la glaise et lui ajouter un système musculaire. Le plus compliqué c’est la qualité du poil », résume-t-il. Celui-ci juge qu’il y a encore de la place dans l’industrie pour le dressage, au cas par cas : « L’image de synthèse n’a pas de sens quand on peut filmer un animal en vrai. En revanche, elle est intéressante dans le cas d’activités ludo-poétiques ou surréalistes », comme dans ses propres travaux qui figurent un éléphant sur un trampoline, des girafes dans une piscine ou un lancer de paresseux en parachute dans le film Babysitting.

L’avenir du règne animal à l’écran semble pour l’instant promis à un savant dosage entre prises de vues réelles et CGI (Computer Generated Imagery), à l’instar du Dernier Loup de Jean-Jacques Annaud ou de l’Odyssée de Pi d’Ang Lee. « On va vers des logiques de mix, l’un n’enterre pas l’autre », résume Nicolas Deveaux. Tant que l’on se dispense, selon ses mots, de « singeries humaines ».
Source : http://next.liberation.fr/images/2017/0 ... on_1539594
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Philippe
 
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Re: Jacana, studio en voie d’extinction

Messagepar Philippe » Mardi 12 Février 2019 10:15

Bientôt le clap de fin pour les studios Jacana

À 78 ans, Jean-Philippe Varin, le fondateur des studios de cinéma animalier Jacana, à Sainte-Montaine, cherche à vendre ses installations et à passer la main. Pas facile !

« Je suis de plus en plus dubitatif, actuellement, sur le fait que quelqu’un puisse continuer mon activité. » Jean-Philippe Varin, propriétaire des studios Jacana Wildlife Studios, à Sainte-Montaine, fait le point. Près d’un an après une précédente rencontre, il a fait le tour de ce qu’il estimait être « l’étape suivante ». C’est-à-dire un repreneur qui puisse poursuivre le travail entrepris de longue date avec le cinéma et les animaux.

Les étonnants animaux de cinéma de Jean-Philippe Varin

De ses studios sont sorties des images avec des animaux qu’il a dressés et sont apparus dans des films aussi célèbres que l’Ours de Jean-Jacques Annaux, le Peuple migrateur de Jacques Perrin, Jeanne d’Arc de Luc Besson, et bien d’autres, signés de Michel Deville, Martin Scorsese, Roman Polanski, Tony Scott, Jean-Luc Godard, etc. Mais aujourd’hui, Jean-Philippe Varin, 78 ans, veut tourner la page.

Après avoir vu défiler des Anglais, des Russes, des Allemands venus visiter son domaine, il sait que, sauf surprise, la partie est impossible à jouer. « J’ai donc dissocié la maison d’habitation et tout le reste, un domaine de 15 hectares, qui deviendra une zone d’entrepôts ou autre chose. Mais je me suis rendu compte que ce que j’avais fait, qui allait du microscope aux gros animaux, ne correspond plus aux besoins de l’époque. Je continue à avoir des commandes cinématographiques auxquelles je ne peux pas répondre, par manque de personnel le plus souvent. » Tourner la page est donc difficile. Jean-Philippe Varin se résout à vendre ses studios le moins mal possible et se tourner vers autre chose.

« Je vais devenir consultant pour films animaliers »


Ce sera bien sûr en rapport avec les animaux, raison d’être de cet éternel étudiant qui a fait ses gammes à la faculté de sciences de Clermont-Ferrand, pratiqué la photo animalière jusqu’à en devenir spécialiste, fondé deux agences photos et, donc, des studios de cinéma.

L’homme est célèbre pour son regard bleu clair, son rire sonore et ses talents de conteurs aux anecdotes inépuisables, presque toutes d’origines animalières.
« Les animaux sont porteurs de rêves », souligne celui qui, pour l’inauguration de l’hôtel Crillon, place de la Concorde, avait introduit dans un violoncelle quatre cents papillons qui sortaient de l’instrument pendant que la musicienne jouait...

Une mouche venant se poser sur un doigt


Les projets restent donc dans ce cadre, avec ce que Jean-Philippe Varin appelle des « moments surnaturels », petits spots d’une minute qui restent à réaliser et qui mettent un animal en évidence, que ce soit un frelon ou une mouche venant se poser sur un doigt puis faisant une chose ou l’autre.
Le reste passe par des conférences, qu’elles soient grand public ou plus spécialisées, pour lesquelles le cinéaste-dresseur est déjà sollicité… Et pour le reste, conclut Jean-Philippe Varin, « je vais devenir consultant pour des films animaliers »…
Reste, néanmoins, à vendre le site de Jacana Wildlife Studios.

Pour tout contact, Jean-Philippe Varin : 06.47.93.58.36.

Image

Jean-Philippe Varin dans la cage de sa grande salle d’entraînement et de tournage.
Source : Le Berry républicain.
Article paru en décembre 2017.
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Re: Jacana, studio en voie d’extinction

Messagepar Philippe » Mardi 12 Février 2019 10:28

C'est au cœur de la Sologne, entre Salbris et Aubigny-sur-Nère que Jean-Philippe Varin a ouvert en 1984 Jacana Wildlife studios. Les animaux qu'il a dressés et entraînés ont tourné dans plus de 3.200 films et publicités. Dont certaines très connues.

Le dresseur animalier qui a travaillé pour Jean-Jacques Annaud, Jacques Perrin, Disney... a décidé de fermer ses studios, faute de repreneurs. En attendant de leur trouver un nouveau foyer, Jean-Philippe Varin continue de s'occuper de ses compagnons.

Jean-Philippe Varin n'a pas réussi à trouver de repreneur pour Jacana Wildlife Studios. Ni dans sa famille, ni chez les personnes ayant travaillé avec lui. La BBC a bien formulé une offre, mais pour cause de Brexit lui a demandé d'attendre deux ans.

Jusqu'à 25 salariés ont travaillé au service de plus de 2.000 animaux rassemblés en Sologne. Aujourd'hui, sa fille Aurélie est venue aider son père à vendre ses studios et s'occuper des derniers animaux restant.

Le domaine de Jean-Philippe Varin comptait pas moins de 94 volières, dont une longue de 40 mètres peuplée de 800 petits oiseaux habitués au contact humain.

Image
Source : La Nouvelle République du Centre-Ouest.
Article publié en septembre 2018.
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Re: Jacana, studio en voie d’extinction

Messagepar Philippe » Mardi 12 Février 2019 11:10

Et l'intégralité de l'article évoqué ci-dessus.

Jean-Philippe Varin, roi de l'animal à l'écran

​Depuis toujours, Jean-Philippe Varin étudie les animaux. Au point d’en avoir dirigé des milliers pour des films, documentaires et publicités dans ses studios de Sologne qu’il a décidé de fermer.

Dans quelques semaines, ses voisins n’entendront plus le vieux lion rugir. Ni les cigognes claquer du bec pour parader ou les pygargues hurler. L’hélicoptère de Michel Drucker ne viendra plus en visite dans les studios Jacana, au cœur de la Sologne et de ses mystères. Jean-Philippe Varin, le roi de l’animal à l’écran, tourne en effet la page.

En plus de trente ans, les studios Jacana ont participé à plus de 3.200 films, pubs et événements : “L’Ours” (certains ont rejoint Zoodyssée dans les Deux-Sèvres) de Jean-Jacques Annaud, “Hanuman” de Fred Fougea, “Le Peuple migrateur” de Jacques Perrin, “Panda”, le long-métrage de Disney, “AO Le Dernier Néanderthal” de Jacques Malaterre…

En ces lieux acquis en 1977, à Sainte-Montaine (Cher) entre Salbris (Loir-et-Cher) et Aubigny-sur-Nère, qu’il a conçus et réalisés de sa main, jusqu’à 2.000 animaux et 25 salariés ont vécu en même temps. Ses quatre filles y ont grandi. Mais seul le propriétaire et fondateur de Jacana arpente encore le domaine, assisté de sa fille Aurélie revenue l’aider. « J’ai longtemps cherché un repreneur, explique Jean-Philippe Varin. J’ai proposé à des gens qui travaillaient ici, avec moi, de partir à l’aventure, de devenir patron à leur tour. Mais j’ai monté une usine à gaz. Je n’ai pas fait fortune. C’est ma danseuse à moi. »

Faute de rentrées d’argent, il n’a plus aucun salarié. Et il s’est séparé des ses animaux et de nombreux équipements. Alors c’est lui qui règle les factures pour assurer le train de vie de ses vieux compagnons en partance. « Je tiens à finir en beauté ! », rigole-t-il sans amertume.

Il se donne quelques semaines à peine pour voir partir tout ce qu’il a patiemment construit. Et à peine franchie la palissade d’entrée, on pénètre dans un drôle de monde. Quelques totems vous accueillent. Et des bruits bien inhabituels. Jean-Philippe Varin vous fait découvrir un premier atelier où lui-même et ses équipes ont longuement bricolé, inventé et expérimenté des techniques pour photographier, filmer ou enregistrer des animaux.

Une pub pour Carambar, l'inauguration du Crillon


Dans l’ancien réfectoire, quelques trésors. « Le dernier truc que j’ai fait, ce sont ces fausses raies pour une pub Carambar aux Caraïbes avec Marilou Berry. » Dans sa main, une tortue dont un petit système électrique fait bouger la tête. Elle a servi pour un film publicitaire où l’animal devait suivre un match de tennis. Un peu plus loin, le violoncelle qui a servi pour l’inauguration du Crillon à Paris. Et duquel se sont envolés, le temps d’une sarabande de Bach, plusieurs centaines de papillons cachés à l’intérieur.

Dans les vastes studios de plusieurs centaines de mètres carrés chacun, c’est une caverne d’Ali Baba. Une fausse tête d’éléphant, des ours polaires dont seule la tête sort du film plastique dans lequel ils sont enroulés, des masques de gorille… Un plateau sur fond vert, de puissants spots, une piscine ou même un énorme tapis roulant pour filmer les animaux en action sont aussi visibles. Jean-Philippe Varin a aussi une turbine pour filmer les oiseaux en vol stationnaire.

Air France, Bonduelle, Cacharel, Chanel, Danone, Decathlon, Dior, Essilor, Esso, Eurodisney, Fiat, Friskies, Hermes, Hertz, Kenzo, Lancôme, Mercedes, Milka, Nissan, Omo, Panzani, Peugeot, Pirelli, Reebok, Renault, Sephora, Sheba, Valentine, Volkswagen, Vuitton, Whiskas… ont notamment fait appel à ses animaux et ses services pour leurs publicités.
Jusqu'à plus de 2.000 animaux auprès de Jean-Philippe Varin, en pleine Sologne. Mais aussi quelques " cascadeurs " de faux animaux utilisés pour duper le spectateur.

Même si une bonne partie des 94 volières installées sur les quinze hectares du site a été démontée et vendue, demeure encore la vaste volière d’entraînement. Une serre horticole rehaussée d’un mètre cinquante. Bon nombre d’espèces nées sur place y ont appris à évoluer, à pêcher et à suivre les instructions. « De par ma formation, je me destinais à faire de la recherche sur le monde animal. Du coup, pour mes collaborateurs, je faisais des protocoles qu’ils devaient suivre. »

Dans les volières alentours, d’autres oiseaux. D’autres rapaces. « On avait aussi ici une promenade tropicale. On ne pouvait y aller qu’à deux et quand on y allait, je distribuais chapeau et gilet plein de poches. On les remplissait de graines et les oiseaux venaient se poser sur nous, pour piocher. Il y a quelque chose de merveilleux à voir des oiseaux habitués à l’homme se poser sur lui. Sur quarante mètres de long, il y avait 800 petits oiseaux… »

Les chants sont beaucoup moins divers aujourd’hui. De nombreux oiseaux sont partis. Chez des soigneurs dignes de confiance. « Beaucoup sont partis au Puy-du-Fou. Je connais très bien le patron fauconnier. Quelqu’un de sérieux, attentif au bien être des animaux. »

En s’approchant de la maison d’habitation, on aperçoit des cerfs au loin. Guettant l’heure des friandises : fruits et légumes. Un vieux cerf a été isolé du reste du groupe. La période du brame rendant agressif les mâles, ce pensionnaire âgé peut espérer finir ses jours dans la quiétude.
Pour Jean-Philippe Varin, l’important est désormais de transmettre. « J’ai écrit des livres sur mes techniques. Mais dans mon esprit, on ne peut pas former un élève. En revanche, on peut lui faire gagner du temps avec de petites astuces. J’ai toujours eu envie de montrer aux gens comment on fait. Je suis méthodique. »

Il aurait aussi pu céder ses studios. « Les seuls repreneurs vraiment intéressés étaient la BBC. Ils tournent beaucoup de films animaliers. Ils sont venus trois fois, ils étaient d’accord sur les conditions. Mais à cause du Brexit, ils m’ont demandé d’attendre deux ans. Dans deux ans, j’aurai 80 ans et je veux faire un métier moins fatiguant que celui-là ! »

Car Jean-Philippe Varin va devenir conférencier. « Je n’ai pas spécialement la larme à l’œil. Je ne cavale plus autant qu’avant mais je pense que je peux parler pendant encore un bout de temps. » Ce spécialiste du monde animalier va « raconter l’envers du décor. Et comment entrer en contact avec les animaux ». De l’amibe et la paramécie aux plus grands fauves qu’il a fait tourner.

L’œil pétillant et vous pressant le bras pour appuyer ses propos, il ajoute : « J’ai le même enthousiasme que quand j’étais gamin. » Et on le croit volontiers.

Homme de sciences naturelles et photographe professionnel
> Jean-Philippe Varin a fait ses études à la faculté des sciences de Clermont-Ferrand. Des études interrompues par la guerre d’Algérie où il fut pendant deux ans et demi lieutenant au 1er régiment de chasseurs parachutistes.
> Entre 1964 et 1968, il a travaillé pour le centre de recherche sur la migration des mammifères et des oiseaux, le laboratoire de physiologie acoustique de l’Inra, le musée La Brea Tar Pit de Los Angeles et le musée de l’anthropologie de Mexico.
> En 1968, il fonde à Paris l’agence de presse Jacana spécialisée en histoire naturelle. Jusqu’à 300 photographes comme Yann Arthus Bertrand le rejoignent. L’agence a des bureaux en Europe, au Japon, aux États Unis.
> En 1971, il fonde l’agence de photos Explorer sur la base d’illustrations générales. A l’arrivée d’Internet, « n’ayant aucune formation de gestionnaire », il cède ses deux sociétés.
> En 1980, il décide de construire des locaux et des équipements pour pouvoir filmer ce qui paraissait impossible dans le monde animal. En Sologne, à Sainte-Montaine (Cher), il ouvre en 1984 Jacana Wildlife Studios.
> En 2018, à 78 ans, il lance ses séminaires d’entreprises et conférences naturelles pour les collectivités et associations sur les coulisses des tournages animaliers : l’utilisation des drones, des techniques pour diriger le vol du papillon, pour faire bondir un lion sur un comédien, pour faire plier un papier chocolat à une marmotte…
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