Dans les coulisses du zoo de Lyon (69)

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Messagepar Philippe » Vendredi 18 Août 2017 8:15

Direction le zoo du parc de la Tête d’Or, pour voir les soins particuliers qui sont apportés à la nourriture.

Dans l’une des deux cuisines de l’ancienne fauverie, juste derrière l’enclos des pandas roux, Nadia travaille d’arrache-pied à la préparation des repas de midi des primates. Devant elle, un lutrin portant des fiches détaillées des aliments et quantités à couper, au gramme près, par espèces, voire même par groupe et/ou individu au sein d’un même groupe. Tout est minutieusement pesé, placé dans des boîtes en plastique et rangé pour être méthodiquement donné, le moment venu.

Au zoo de Lyon, au cœur du parc de la Tête d’Or, rien n’est laissé au hasard pour nourrir les quelque 230 bêtes qui l’habitent. Imaginez : 50 % du budget de fonctionnement sont consacrés à l’achat de fruits, légumes, graines, viandes, poissons, granulés… Et le temps qui y est consacré est énorme. « L’alimentation, c’est essentiel pour la santé et le bien-être de l’animal », insiste Guillaume Douay, le vétérinaire de la structure. « S’il est mal ou trop nourri, il peut vite développer des pathologies comme le diabète, l’obésité… Ce qui peut avoir de lourdes conséquences, par exemple, sur sa reproduction, pas idéal quand il s’agit d’espèce en danger », poursuit-il.

Fini les bananes, bonjour les navets !

L’aspect nutritionnel revêt alors une dimension fondamentale. « C’est la base. À présent, il existe même des nutritionnistes qui se sont spécialisés sur la question. » Ainsi, au zoo de Lyon, on opère une transition progressive pour supprimer l’apport de fruits dans les rations. Gibbons, capucins et cercopithèques (des primates) sont déjà tous passés au “régime sec”. « Ils n’ont pas été contents au début, mais ils s’y sont faits », sourit Nadia, en poursuivant sa tâche.

« Les fruits qu’ils trouvent dans la nature n’ont rien à voir avec ceux de nos magasins. Ils sont adaptés à l’homme, pas à l’animal : il y a beaucoup d’eau, de sucre et peu de fibres », explique le vétérinaire. « On s’est rendu compte que les aliments se rapprochant le plus des fruits sauvages, c’était les légumes. » Du coup, exit la banane (trop calorique), l’ananas ou la mangue. Bonjour le navet, l’oignon ou la chicorée.

Autre élément à ne pas négliger : les cycles de chacune des espèces. Les petites espèces de primates au métabolisme rapide ? Elles doivent être nourries trois fois par jour. Les girafes, qui sont des ruminants ? Elles disposent de foin à volonté de sorte que leur système digestif soit constamment alimenté. Les fauves ? Ils ont droit à trois jours de jeûne par semaine pour respecter leurs propensions naturelles…

Image

Une exception nécessaire : un des mâles est soumis à un régime spécial car il a tendance à prendre de l’embonpoint.
Source : Le Progrès.
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Messagepar gibbon » Vendredi 18 Août 2017 9:56

Merci Philippe pour cet article intéressant !
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Messagepar raphaël » Samedi 19 Août 2017 21:32

Merci pour le partage !
Donc plus du tout de fruits chez les primates de Lyon, lémuriens compris ?
Les animaux des zoos sont les ambassadeurs de leurs cousins sauvages. (Pierre Gay)
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Messagepar gibbon » Dimanche 20 Août 2017 19:03

La décision de supprimer les fruits du régime alimentaire des primates par ce zoo est tout à fait respectable, mais je ne l’approuve pas vraiment. Certes, ils sont moins riches en fibres que les légumes, mais je pense qu’il ne faut pas oublier l’aspect gustatif. Les fruits, pour les primates frugivores, c’est quand même bien meilleur au goût que les légumes. C’est d’ailleurs bien dit par la soigneuse : "Ils n’ont pas été contents au début". Quand de la banane est distribuée avec un mélange de plusieurs aliments (dont d’autres fruits), les primates frugivores (et même ceux à tendance folivore comme le lémur catta) vont systématiquement manger la banane en premier, avant de toucher aux autres aliments. La raison est toute simple, c’est qu’ils AIMENT ce fruit. Et je pense que le fait que les animaux puissent manger des aliments qu’ils apprécient beaucoup, même en petite quantité, est important, surtout pour des êtres captifs dont l’un des rares et grands plaisirs est de manger. Le plaisir participe à une bonne santé mentale, et donc à une bonne santé générale. Par ailleurs, pour l’apport de fibres, il existe des granulés extrudés, notamment ceux destinés aux primates folivores, qui contiennent beaucoup de fibres et des protéines, ce qui permet, à mon avis, de continuer à donner des fruits en plus des légumes. De plus, ces coquettes ont une faible teneur en eau, donc elles sont plus avantageuses sur ce plan que les légumes qui, pour la plupart, sont encore plus riches en eau que les fruits.
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Messagepar gibbon » Lundi 21 Août 2017 6:13

gibbon a écrit:De plus, ces coquettes ont une faible teneur en eau,

croquettes, pardon...
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Messagepar Vinch » Lundi 21 Août 2017 18:33

gibbon a écrit:
gibbon a écrit:De plus, ces coquettes ont une faible teneur en eau,

croquettes, pardon...

des coquettes...avantageuses ! :mrgreen:
Pour revenir sur le sujet, je suis d'accord avec ce qui est dit, mais je pense tout de même qu'il faut impérativement garder une petite proportion de fruits appétents, goûteux, agréables à manger.
La banane, comme c'est l'un des fruits les plus riches en saccharose, fructose et glucose, doit être exclue de tous les repas. Elle ne devrait servir, en toutes petites quantités que pour certaines sessions de medical training et pour donner des médicaments.
Mais étendre cette exclusion à tous les autres fruits, c'est vraiment faire de l'excès de zéle, par contre.
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Messagepar gibbon » Lundi 21 Août 2017 20:01

Sans limiter la banane à des situations qui sortent de l'ordinaire, je suis plutôt pour une distribution en faible quantité mais fréquente. Pour la fréquence, ça dépend des conditions de logement de l'animal, de la quantité d'exercice qu'il fait, etc. Selon ces différentes circonstances, ça peut être tous les jours, ou un jour sur deux ou trois. Par contre, pour les fruits d'une manière générale, j'estime que ça devrait être tous les jours pour des primates frugivores. Chacun sa vision, et il existe plusieurs façons de nourrir correctement un animal. :wink:
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Messagepar okapi » Mardi 22 Août 2017 9:53

Tu as des animaux Gibbon? Tu élèves des primates frugivores?
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Messagepar gibbon » Mercredi 23 Août 2017 0:56

Non, c'est simplement mon avis sur la question.
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Messagepar okapi » Jeudi 24 Août 2017 14:31

Je suis déçu, je pensais que cela relevait de l'expérience: comme tu n'approuves pas une décision de vétérinaire, que tu es "plutôt pour" et que tu "estimes", je pensais que tu vivais entouré de jolies bêtes frugivores auxquelles tu fournissais le régime approprié à leur santé et à leur bien être... Mais alors, pour être aussi catégorique, sans doute es-tu nutritionniste?
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Messagepar gibbon » Jeudi 24 Août 2017 16:05

Il n'y a pas besoin d'être vétérinaire ou nutritionniste pour s'y connaître sur le domaine de la nutrition ! Aaah, la France et sa fâcheuse tendance à ne tenir compte que des titres ! Quelle différence avec nos amis anglo-saxons qui regardent les compétences ! Je ne suis pas là pour écrire mon CV, mais pour le volet "titres" et "expériences" je suis, entre autres, diplômé en biologie et j'ai travaillé en parcs zoologiques où je me suis occupé de primates, justement. Mais nul besoin d'avoir un diplôme pour s'y connaître dans un domaine. Un cursus universitaire n'est un moyen d'acquérir des connaissances dans un domaine particulier, pas une voie incontournable. En tant qu'autodidacte, la nutrition est un des domaines qui m'intéressent. Oui, j'estime que l'on peut nourrir de telle ou telle manière, et, je le répète, il existe de nombreuses façons de nourrir une même espèce. Par exemple, il y a quasiment autant de régimes alimentaires différents pouvant convenir à un perroquet gris qu'il y a de zoos et d'éleveurs qui en possèdent.
Enfin, la nutrition est certainement le domaine de la santé où il n'y a presque aucune règle vraie pour tout le monde. A part quelques rarissimes règles ultra générales, il faut toujours s'intéresser au cas par cas, à l'individu que l'on a devant soi et à sa situation, son mode de vie, etc... et ça vaut aussi bien pour les humains que les animaux. Et on le remarque bien lorsqu'on écoute les nutritionnistes professionnels, on entend des choses presque contradictoires sur l'effet d'un même régime ou d'un même aliment. Tout simplement parce que ce qui est vrai avec tel individu, ou dans telle situation, ne le sera pas avec un autre.
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Messagepar gibbon » Jeudi 24 Août 2017 16:27

Oups, coquille :
Un cursus universitaire n'est qu'un moyen d'acquérir des connaissances dans un domaine particulier...
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Messagepar gibbon » Jeudi 24 Août 2017 16:40

Je ne vois pas où tu vois un côté catégorique dans mes messages. Au contraire, tout montre de la compréhension et le respect de l'avis d'autrui. J'ai commencé par préciser que la décision du zoo est tout à fait respectable, ensuite, j'ai dit à deux reprises "Je pense que...", "Je pense que [telle chose] est important", puis j'ai écrit "je suis plutôt pour une distribution...". Enfin, j'ai fini en écrivant "Chacun sa vision". Je ne sais pas ce qu'il te faut !
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Messagepar okapi » Jeudi 24 Août 2017 17:48

Tu vois, j'avais raison finalement: tu t'es bien occupé de primates, donc il y a bien un fond d'expérience dans tes positions nutritionnelles!
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Messagepar grievous » Dimanche 27 Août 2017 10:56

Note préliminaire à mon message : pour éviter toute réponse épidermique ou tout sentiment d’attaque personnelle, je tiens à préciser qu’il n’y a dans mes propos aucune prétention, aucun problème d’égo ou je ne sais quel sentiment de supériorité. Ceci étant dit allons-y !

En lisant tous vos commentaires, j’ai d’abord été amusé de voir ressurgir des arguments utilisés par l’ancienne génération qui veut que si l’animal aime il faut lui donner. C’est ce genre d’argument qui a fait distribuer par de nombreux zoos à une époque pas si lointaine pains au chocolat, pop-corn et autres bizarreries. Et qui malheureusement persiste chez les éleveurs privés et… encore trop de zoos à mon gout. Je traduis ceci par une certaine aversion au changement et à un raisonnement basé sur l’intuition plutôt que sur la preuve scientifique. Ceci est tout à fait compréhensible car toute les personnes dans et autour des zoos n’ont pas un esprit ou une formation scientifique. En vous lisant, et vous connaissant un peu, je suis surpris de cette forme d’aversion envers le changement et les nouvelles connaissances en termes de nutrition basé sur des résultats scientifiquement valables et prouvés. Résultats de plus en plus appliqués dans les zoos d’ailleurs.
Le fait que plusieurs rations semblent fonctionner correctement ne veut pas dire que toutes sont bonnes et adaptées. Les effets d’une mauvaise ou tout du moins sub-optimale alimentation mettent des semaines, des mois et même des années parfois à être visibles et être objectivables. Combien de rations ont été évaluées sur le long terme en termes d’impact sur la santé des animaux, sur leur prolificité, sur les patrons de senescence… ? Une poignée seulement et uniquement pas les spécialistes dont font partie les nutritionnistes. Après on peut se dire que ce n’est pas grave effectivement, mais c’est étonnant.

Je suis toutefois un peu gêné par un trop plein d’anthropomorphisme. En toute honnêteté et comme on l’apprend en « comportement animal », il ne faut pas donner aux autres animaux des compétences, perceptions ou sentiments issue de notre perception humaine du monde. Ainsi la perception gustative de tel ou tel animal est différente d’une espèce à l’autre et d’un individu à l’autre, ainsi je serais mal placé pour savoir si pour un cercopithèque le gout d’un légume est moins bon qu’un fruit. Pour les mêmes raisons comment analyser autrement la phrase suivante : « l’un des rares et grands plaisirs est de manger ». Je suis d’accord que la composante psychologique est importante en bien-être animal et est une partie importante du « Five Domains model » qui régit la Bien-être animal qui comme la Nutrition est une science à part entière. En revanche la notion de « plaisir » n’est pas assez objective pour être prise en compte. On va parler de satiété, de curiosité, de vitalité, de sécurité…quand il s’agit du domaine mental.

Lorsque ma collègue dit "Ils n’ont pas été contents au début", il faut traduire ceci plutôt par une néophobie alimentaire bien connue de toute personne qui travaille avec des animaux. Au final en très peu de temps durant la transition alimentaire (on ne change pas tout du jour au lendemain) ils se sont habitués à ces nouveaux aliments et ne semble pas pour autant être en dépression :D (donc pas de double peine ou je ne sais quel terme pénitentiaire et punitif).

Pourquoi les animaux vont aller vers les fruits en premier vous me demanderez ? Tout simplement car leurs qualités organoleptiques en font des aliments plus « attirants » ceci doit-il être considéré comme de bons aliments pour autant? Tout organisme aura tendance à aller vers ce qui lui procure un maximum d’énergie avec le moins d’efforts possible. Donc les fruits pour la consommation humaine (donc pas ceux que devraient manger les autres animaux) remplissent facilement et rapidement cette propension. Or ces fruits ne garantissent pas d’atteindre un équilibre alimentaire correct au sein d’une ration et d’un plan de nutrition. Quid des granulés alors ? Ces derniers sont utiles et permettent d’obtenir des rations plutôt équilibré. Mais en aucun cas ne contrebalancent l’effet des fruits. Notamment en termes de fibres alimentaires. La plupart du temps les granulés sont faits à base de céréales qui n’ont pas les mêmes quantités et qualités de fibres que des légumes. Désolé de te contredire mais les légumes sont en général moins riches en eau et plus riches en protéines que les fruits.

C’est pour ces raisons que les fruits, comme nous les connaissons, devraient être gardés pour les évènements occasionnels et limités dans le temps tels que training, traitement médical, adaptation à un nouvel environnement…

Je pense qu’il y a avant tout un problème de sémantique en réalité. Les animaux frugivores consomment dans leur milieu des fruits dont la composition n’est pas celle des fruits que nous consommons et que nous pouvons nous procurer en captivité. Au contraire les légumes tel que nous les connaissons sont les plus à même de remplacer les fruits in natura. Ceci ne souffre à mon sens d’aucune polémique, puisqu’il s’agit de faits avérés, contrôlés et prouvés par les nombreuses études en la matière.

Si adapter ses pratiques aux nouvelles connaissances en la matière (« Evidence-based practice ») et ne pas sombrer dans une anti-doctrine qui voudrait qu’il n’y ait pas de règle, c’est faire preuve de zèle alors oui je plaide coupable et je serai a vie un récidiviste.

Je finirais ce (trop) long message par la douce diatribe Spécialiste versus Autodidacte. On peut effectivement acquérir des connaissances et des notions de nutrition par l’expérience et c’est encore plus facile quand c’est un plaisir de le faire. J’imagine donc Gibbon que tu fais une veille documentaire en nutrition et donc que tu sais alors pourquoi les régimes sans fruits sont bénéfiques aux primates. Cependant l’expérience personnelle ne remplacera que rarement ou du moins difficilement une personne qui va passer 8-10 ans de sa vie à se consacrer à l’étude approfondie de la nutrition. Personnellement j’ai eu de très nombreux cours de nutrition, j’ai été formé par des personnes avec un sacré niveau en nutrition, j’aime la nutrition…mais à aucun moment je ne me permettrais de dire que je m’y connais. J’ai des connaissances correctes à bonnes mais c’est tout. Je ne suis que vétérinaire et c’est déjà un champ d’application énorme. Je peux évidemment me questionner, me poser des questions mais je fais confiance aux « sachants ».

Pour info les nutritionnistes spécialisés en faune sauvage sont tous PhD et ont une expérience à faire pâlir plus d’une personne. Je pense malheureusement que tu te trompes un peu sur nos collègues anglo-saxons. En effet est considérée comme « sachant » une personne qui détient un diplôme, qui publie ses résultats régulièrement, et qui perpétuellement cherche à s’améliorer. Les autodidactes sont fortement appréciés certes mais ne seront jamais considérés comme égaux aux diplômés. Preuve en est les postes et les salaires des uns et des autres. D’ailleurs nos amis anglo-saxons ont un extrême respect des diplômes et ne se permettent que très rarement de critiquer ouvertement les spécialistes.

En revanche c’est un mal bien français de penser qu’il est légitime de remettre en cause les connaissances et compétences des spécialistes. Cet état d’esprit qui est inscrit dans nos gènes et notre culture est à l’origine de gros problème de management dans les zoos français. Tout le personnel pense être légitime à donner son avis sur tout et certains se permettent même de remettre en cause une ration alimentaire, un traitement médical, un mode de gestion…sans avoir tous les tenants et aboutissants et sans les bases des connaissances acquises généralement par les études.

Evidemment la discussion est saine et même nécessaire mais à la fin c’est la personne la plus à même de faire les choix qui doit prendre la décision et lui ou elle seul. Un véto s’occupe du médical, un animalier s’occupe de la gestion et du suivi quotidien des animaux, un éthologue du comportement, un nutritionniste de l’alimentation…mais au final tous du bien-être.


Pour finir quelques références d’articles pour ceux qui veulent aller plus loin sur le sujet des fruits et des rations sans fruits pour les primates :

JZAR, R. (2015). Aggression and self-directed behaviour of captive lemurs (Lemur catta, Varecia variegata, V. rubra and Eulemur coronatus) is reduced by feeding fruit-free diets. Journal of Zoo and Aquarium Research, 3(2), 52.

JZAR, R. (2014). Pygmy slow loris (Nycficebus pygmaeus) European zoo diet survey results. Journal of Zoo and Aquarium Research, 2(2), 39.

Plowman, A. (2013). Diet review and change for monkeys at Paignton Zoo Environmental Park. Journal of Zoo and Aquarium Research, 1(2), 73-77.

Clayton, J. B., Vangay, P., Huang, H., Ward, T., Hillmann, B. M., Al-Ghalith, G. A., ... & Cabana, F. (2016). Captivity humanizes the primate microbiome. Proceedings of the National Academy of Sciences, 201521835.

Diets High in Fruits and Low in Gum Exudates Promote the Occurrence and Development of Dental Disease in Pygmy Slow Loris (Nycticebus pygmaeus)

Trialling nutrient recommendations for slow lorises ( Nycticebus spp.) based on wild feeding ecology

Et évidemment tous les nutritions guidelines récents!
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