Dépôt de bilan précoce pour le sanctuaire animalier de Sea Shepherd
Écologie
Par Erwan Seznec
Publié le 25/02/2021
Racheté en grande pompe médiatique en décembre 2019, dans le but affiché de rendre les animaux à la vie sauvage, le zoo breton de Pont-Scorff est au bord de la ruine, sans avoir mené une seule réintroduction à bien.
Tout ça pour ça. Quatorze mois à peine après l’avoir rachetée, la coalition Rewild a déposé le bilan de la société Bretagne Zoo, qui gère le zoo de Pont-Scorff (Morbihan), près de Lorient. Alliance de sept ONG environnementales emmenées par Sea Shepherd, Rewild prétendait réintroduire les quelque 560 animaux captifs dans leur milieu naturel, avant de transformer le site en centre de préparation au retour à la vie sauvage, pour d’autres animaux élevés en captivité.
Comme l’anticipait l’immense majorité des spécialistes, le projet a capoté. Rewild n’a pas mené à bien une seule réintroduction. Rien d’étonnant : organiser le retour à la nature d’un seul animal exotique demande des années et des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros. Or, Rewild est à court d’argent. L’essentiel des 600 000 euros levés en décembre 2019 auprès de 23 000 donateurs a été absorbé par les frais de fonctionnement, qui se montent à près de 90 000 euros par mois. Une petite partie a servi à rembourser l’ex-actionnaire majoritaire, Sauveur Ferrara, médecin et homme d’affaires, qui avait avancé de l’argent à son zoo.
En face de ces dépenses, à la colonne recette, c’était le vide absolu. Sea Shepherd et ses alliés avaient choisi de se passer de visiteurs, le spectacle de la captivité étant incompatible avec leurs valeurs animalistes.
"ILS NE SAVENT PAS ET NE VEULENT PAS GÉRER UN ZOO"
Le tribunal de commerce de Lorient examine le dossier vendredi 26 février. Il y aura une période d'observation, mais le choix est binaire : mise en redressement avec plan de continuation ou liquidation. « Sans visiteurs, c’est intenable », se désespère Alain Le Héritte, ancien directeur, actionnaire minoritaire (à 30 %) de Bretagne Zoo. « Les dons ne suffiront jamais. Soit on rouvre un zoo classique, soit tout s’arrête. »
Sea Shepherd, patron d’un parc animalier ordinaire ? Interrogée par Marianne, Lamya Essemlali, présidente de la branche française, se borne à déclarer que l’association va « subvenir aux besoins des animaux le temps que cela sera nécessaire ». Décryptage du directeur d’un grand zoo français : « Ils sont dans l’impasse. Depuis deux hivers, la priorité de Sea Shepherd, c’est le harcèlement des pêcheurs dans le golfe de Gascogne. Avec Pont-Scorff, l’organisation pensait récupérer une base arrière. Ils n’ont pas mesuré les coûts de fonctionnement. Ils ne savent pas et ne veulent pas gérer un zoo ».
AMBIANCE PESANTE
Aucun des autres membres de Rewild ne fait figure de repreneur crédible. Ce sont de petites structures désargentées. La seule qui pesait d’un poids significatif, le centre Athénas, a officialisé son retrait début février 2021, évoquant de « profondes divergences » avec Sea Shepherd.
Sur place, selon une source interne, l’ambiance est pesante. Les onze salariés encore en poste n’ont pas été payés le mois dernier. Sea Shepherd a écarté sans ménagement le directeur, Jérôme Pensu, à l’origine du projet de transformation de Pont-Scorff en sanctuaire. L’association lui reproche d’avoir dissimulé la gravité de la situation depuis des mois. L’intéressé n’a pas souhaité s’exprimer
Source: Marianne.