par giradaire » Jeudi 10 Février 2011 18:16
Journal SUD OUEST
SOUSTONS
"ça vire au safari"
"Ce qui nous inquiète, c'est le risque d'introduction et de développement de pathogènes dans la nature".
A Soustons (Landes), la Sepanso est contre le projet de centre de reproduction d'espèces menacées.
Le projet de créer, à Soustons, un centre de reproduction d'espèces animales en voie d'extinction, ce qu'on appelle un biome dans le barrissant jargon des spécialistes, aurait-il déjà suffisamment de plomb dans l'aile au point de ne pas voir le jour ? À ce stade, impossible d'affirmer avec l'assurance d'un vétérinaire-légiste que les premiers « coups de feu » essuyés seront fatals. Mais une chose est sûre, ce projet, qui consisterait à créer, d'ici à 2013, sur une cinquantaine d'hectares, un havre de paix pour l'hippopotame pygmé, l'okapi, le tapir malais ou le rhinocéros de Java, lesquels trouveraient donc là tout le confort pour se donner des héritiers, se trouve bel et bien dans la ligne de mire de la Sepanso. La puissante association de protection de la nature jouant dans cet inattendu « safari », le rôle du… chasseur.
Pour être clair, Georges Cingal, le président de la Sepanso Landes, est résolument contre cette poussée d'exotisme. Et il ne s'embarrassera pas d'une approche à l'affût dans les taillis de la savane administrative pour le dire. Et motiver son analyse quelque peu chevrotinée… « On est passablement excédé », confirme-t-il.
La loi littoral
« D'abord, dit-il, la localisation du projet pose problème. On se trouve sur une commune du littoral, on est donc censé respecter la loi littoral. Ce projet se présente comme un hameau nouveau, or il s'installe sur une zone forestière, une zone naturelle. » Plus ennuyeux encore, pour que ce biome voit le jour, il faut que le plan d'occupation des sols soit révisé pour devenir constructible. « L'enquête publique est en cours, souligne Georges Cingal. Mais si le POS est modifié et que le projet ne se fait pas, qu'est-ce qu'il y aura derrière ? Par exemple, on pourra faire un zoo… » C'est ce qu'il appelle : « La politique du coup parti. »
Mais ce n'est pas tout. Alors que ce projet comporte une partie ouverte au public, lequel pourra s'immerger dans une sorte de forêt équatoriale (lire notre édition du 13 janvier), la Sepanso dénonce aussi cette intrusion. « Ça fait mélange des genres, explique Georges Cingal. Pour la reproduction, le calme est un paramètre fondamental. Je sais bien que la reproduction n'est pas non-stop, mais les éléments en notre possession sont insuffisants. »
Il n'est d'ailleurs guère plus tendre avec la dimension écologique du dossier. « Il y aura du photovoltaïque intégré aux bâtiments, mais comme il s'agit de panneau EDF, on retrouvera du cadmium. Ce qui signifie qu'en cas de destruction, on aura une pollution des terrains. Si pour produire de l'énergie soi-disant verte, on pollue certains secteurs, je suis désolé mais là on n'est pas dans une stratégie de développement durable. »
Risques sanitaires
Enfin, et bien que les espèces concernées viennent essentiellement des zoos, le volet sanitaire pose également question à ses yeux : « Ce qu'on sait, dit-il, c'est que chaque espèce a un cortège de "colocataires", dirons-nous. C'est la raison pour laquelle on s'était opposé à un projet d'élevage de crocodiles à Hagetmau. Là, ce qui nous inquiète, c'est le risque d'introduction et de développement de pathogènes dans la nature. » Autrement dit de virus et de maladies.
Dès lors, que préconise-t-il pour que ces espèces menacées ne disparaissent pas ? Ce qui est quand même la raison d'être de ce biome. « Le mieux, c'est de faire la reproduction dans les milieux naturels. Ce qu'on appelle la dynamisation in situ. » Il faudrait donc que ce biome abrite des visons d'Europe et des ortolans. Très exotique vu… du Kalahari.
"L'humanité ne se définit pas par ce qu'elle crée,
mais par ce qu'elle choisit de ne pas détruire."
Edward Osborne Wilson