Paris : ils gardent l’aquarium du Trocadéro à flot
Après deux plans sociaux, l’aquarium privé parisien, le plus grand d’Europe, a connu une hausse de fréquentation de 5 % en 2017. Ses fêtes en nocturne assurent 40 % de son chiffre d’affaires.
Pas facile de garder la barque de l’aquarium du Trocadéro (Paris XVIe) à flot. Surtout quand aucune signalétique n’indique son existence aux millions de touristes qui viennent admirer la tour Eiffel sur le parvis des Droits de l’Homme.
Pour arriver à Cinéaqua, son nom officiel, il faut descendre les escaliers à gauche de la vaste esplanade, s’enfoncer dans le jardin et enfin découvrir l’entrée qui mène au souterrain marin. « L’aquarium de Paris fut imaginé en 1867 et aménagé dans les carrières désaffectées à proximité des expositions universelles de Paris. On dit que Jules Verne s’est inspiré de cet aquarium pour écrire Vingt mille lieues sous les mers », raconte Alexis Powilewicz, PDG de ce paquebot aux 4 millions de litres d’eau et aux 43 bassins.
L’aquarium original avait été en partie construit à ciel ouvert, le reste en souterrain en imitant une grotte avec des rocaillages en ciment. Transformé et modernisé pour l’exposition de 1937, il est surtout devenu le plus grand d’Europe (jusqu’à l’ouverture prochaine d’un bassin géant à Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais) lors de sa réouverture en 2006, avec ses 7.500 poissons, dont 38 requins vedettes et sa culture exceptionnelle de 2.500 méduses qui feront bientôt la joie des visiteurs.
Spécialisé dans la faune du littoral français, de la Seine aux territoires d’outre-mer, l’aquarium est une lourde machine qui doit fonctionner 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. « Nous avons en permanence deux plongeurs », affirme son PDG, fonctionnaire détaché de la Ville de Paris, bien que le site soit privé à 100 %. Après sa fermeture pour vétusté en 1985, et 3 ans de travaux, une concession de 30 ans a été signée en 2006. Entre-temps, la société londonienne All About Qality, derrière laquelle se cache un homme d’affaires japonais amoureux de Paris, a investi 50 M€.
L’aquarium n’a cependant aucune subvention. Et la mairie ne lui fait aucun cadeau fiscal. « Le billet d’entrée pour un adulte est de 20,50 €, mais ce n’est pas cher. Avec les tarifs réduits et la gratuité pour les plus jeunes, cela fait une moyenne de 11 €. Moins cher, nous serions à perte », affirme l’homme d’affaires.
Avec la crise du tourisme liée aux attentats, la maison a dû procéder à deux plans sociaux (en 2014 et 2016) et réduire ses effectifs de 16 personnes (sur un total de 65 équivalents temps pleins aujourd’hui). Heureusement 2017 a connu une hausse des visiteurs de 5 %. « L’affaire n’est pas rentable. Elle n’a pas été conçue pour l’être. Nous devons juste être à l’équilibre. Et naturellement, nous ne versons aucun dividende à notre actionnaire. »
Car ici, l’objectif est supérieur : « Nous sommes sans doute la plus importante structure privée de l’Education nationale, assure très sérieusement Alexis Powilewicz. Ici, les enfants apprennent en s’amusant l’importance de l’écosystème. ». Animateurs et ateliers de sensibilisations sont là pour ça.
Mais le secret qui permet à l’aquarium de se maintenir juste au-dessus de la ligne de flottaison se trouve après la fermeture des portes. « De 19 heures à 6 heures du matin, l’aquarium se transforme en boîte de nuit », affirme Alexis Powilewicz. 40 % de son chiffre d’affaires est réalisé grâce à ces fêtes réputées et ses événements. Les tarifs de location vont de 2.000 € pour le restaurant seul jusqu’à 100.000 € pour l’ensemble du site. « Tout est fait pour ne pas perturber la vie des poissons », affirme-t-il. Ces mérous géants, raies aigles et autres espèces de poissons qui assurent l’ambiance insolite de ces soirées de l’aquarium club du style Titanic.
Alexis Powilewicz, directeur de l’aquarium du Trocadéro, devant une partie de ses équipes.
Source :
Le Parisien.