Pour étudier et protéger les tortues françaises, et en particulier la tortue d'Hermann, trois naturalistes, dont Bernard Devaux, spécialiste reconnu des chéloniens, créent en 1986 l'association SOPTOM (Station d'Observation et de Protection des Tortues et de leurs Milieux). Celle-ci ouvre en mai 1988 Le Village des Tortues près de Gonfaron, petit village provençal. Cet espace zoologique, consacré à l'étude, à la présentation et à la protection des tortues, est encore aujourd'hui gérée par cette association Loi 1901. La SOPTOM s'autofinance d'ailleurs grâce à ses adhérents et aux visiteurs du Village des Tortues et par la vente d'objets et de documents. L'association pratique une politique d'information très large en faveur des tortues, dans différents domaines, en France comme à l'étranger. Voici quelques-uns de ses activités : information du public et des spécialistes, protection des milieux, accueil et soins de tortues, développement et soutien de programmes de recherche, actions internationales, etc. La SOPTOM dispose depuis 1991 d'un comité scientifique comprenant cinq herpétologistes éminents. De nombreuses études ont été suscitées, menées et financées par la SOPTOM. Etudiants et chercheurs de tous niveaux séjournent au Village des Tortues pour étudier les tortues françaises, mais des recherches sont également financées dans d'autres pays. Des disciplines très diverses sont abordées lors de ces recherches pour améliorer les connaissances utiles à la conservation des tortues : embryologie, génétique, pathologie, biologie, écologie, etc. La SOPTOM s'investit actuellement dans différents pays pour promouvoir la conservation des milieux et de leurs habitants. Pour protéger efficacement les tortues, il est nécessaire d'agir sur les lieux même où vivent ces animaux, en collaboration avec les acteurs locaux. De ce fait, plusieurs autres centres ont été créés dont celui de Moltifao en Corse en 1997. En 1993, la SOPTOM a également lancé au Sénégal un programme de conservation pour étudier et protéger la tortue sillonnée (Geochelone sulcata).
Le Village des tortues est situé en pleine garrigue provençale, dans un paysage de chênes-lièges, chênes verts, cistes, romarins et arbousiers. Il s'étend sur 2 hectares et plus de 2000 tortues y sont présentes. La visite se déroule en suivant un parcours arboré incluant différentes passerelles et lieux de repos. Le premier bâtiment rencontré lors de la visite du Village des Tortues est la Clinique de la Tortue. Cette structure a été spécialement conçue pour les soins donnés aux tortues. Il reçoit environ 300 tortues malades ou blessées par an, rapportées pour la plupart par des particuliers. Des vétérinaires et des soigneurs, spécialisés dans les reptiles, s'occupent quotidiennement des animaux hébergés dans cette salle de soins. Quelques animaux convalescents sont présentés au public à travers une baie vitrée. Les problèmes le plus couramment rencontrés chez les tortues sont : les traumatismes graves, causés par des voitures, des chiens, des tondeuses à gazon ou des débroussailleuses, des chutes de balcon, des morsures par des rats ; les otites, kystes, cancers ; les carences alimentaires ; les maladies parasitaires, bactériennes ou virales. L'équipe du Village des Tortues a développé une chirurgie réparatrice à l'aide de polyester, une première en France.
A droite de la Clinique, le visiteur emprunte une première passerelle qui le mène devant l'enclos des tortues marginées (Testudo marginata), originaires de Grèce. A sa droite se trouve les enclos des tortues des Balkans ou tortues d'Hermann de l'Est (Testudo hermanni boettgeri). Les mâles sont séparés des femelles pour éviter les reproductions. En effet, il est pour le moment impossible de rapatrier ces espèces dans leur pays d'origine. Une tortue géante en polyester installée dans un petit abri permet au public d'appréhender l'organisme d'une tortue. Une explication sonore enregistrée accompagne l'observation des différents organes. Les enclos suivants sont occupés par diverses espèces. Il s'agit de tortues russes (Testudo horsfieldii), de tortues lépreuses (Mauremys leprosa), de tortues hargneuses (Chelydra serpentina), de tortues léopards (Geochelone pardalis), de tortues du Sénégal (Geochelone sulcata) et de tortues de Corse. Les espèces africaines disposent de mini-serres où elles peuvent se réfugier lorsque la température diminue. Un parcours paléontologique, créé en l'an 2000, permet de voyager dans le temps et de découvrir l'évolution des tortues. L'apparition de la carapace y est, entre autres, exposée ainsi que les causes d'extinction historiques et actuelles. Plusieurs modèles de grande taille de tortues préhistoriques agrémentent le parcours et sont accompagnés de panneaux informatifs.
Après ce petit détour historique, le visiteur s'approche de plusieurs enclos où vivent des tortues d'Hermann (Testudo hermanni). Le Village des Tortues comprend quatre enclos de reproduction. Une soixantaine de tortues vivent dans chacun. Chaque groupe est constitué de 45 femelles et 15 mâles. Dans la nature, il y a environ 52 femelles pour 48 mâles, mais dans un enclos, les mâles seraient trop agressifs et les femelles trop stressées. Les enclos de reproduction sont divisés en deux parties distinctes occupées à un an d'intervalle. La première année, les tortues vivent dans une des deux parties pendant que la végétation se développe dans la deuxième partie. La seconde année, les animaux sont transférés dans l'autre partie de l'enclos et retrouvent une végétation riche et variée alors que la partie qu'ils viennent de quitter est laissée en jachère.
Plusieurs enclos d'adaptation sont aménagés aux alentours de ceux de reproduction. Il s'agit d'enclos où vivent les tortues avant qu'elle soient relâchées dans la nature. Plus de 500 tortues sont réintroduites chaque année dans leur milieu naturel mais elles ont d'abord vécu durant un ou deux ans dans un de ces enclos d'adaptation où elles se sont réadaptées à une vie plus naturelle. Ces enclos sont éloignés du public et le nombre d'aliments non naturels est réduit. La densité de population est d'autre part plus faible que dans les autres enclos du parc.
Le Village des Tortues accueille chaque année un certain nombre de tortues hybrides provenant de particuliers. Ces hybrides sont gardés au parc et ne participent à aucun programme de repeuplement. Les mâles et les femelles sont séparés pour éviter toute reproduction. Toutes les tortues rapportées par des particuliers font, avant d'être intégrées dans les enclos, un séjour de quarantaine dans un bâtiment spécifique situé dans cette partie du parc. Leur état sanitaire est contrôlé et elles sont baignées dans des désinfectants. D'autre part, Le Village des Tortues est conçu pour éviter la propagation des maladies. Les enclos sont divisés en plusieurs parcelles, particulièrement chez les jeunes. Les animaux sont ainsi placés par petits lots de 50 individus, séparés par des couloirs sanitaires, ce qui évite la transmission d'éventuelles maladies.
Après ces enclos où vivent des tortues d'Hermann, la visite se poursuit par l'observation de cistudes et en particulier la cistude boueuse (Emys orbicularis) dans des bassins extérieurs. Un bâtiment abrite différents terrariums et aquariums où sont hébergés de jeunes animaux ou des espèces sensibles. Les jeunes tortues d'eau douce françaises (Emys orbicularis et Mauremys leprosa) sont trop petites et trop fragiles pour rester dans les grands bassins extérieurs ; elles se feraient manger par les pies, les corneilles ou les rats. Quand elles atteignent huit centimètres et sont donc moins sensibles aux prédateurs, elles sont transférées dans les bassins extérieurs avec les adultes. Les autres espèces vivant dans ce bâtiment sont les suivantes : tortue dentelée (Chelonoidis denticulata), tortue étoilée d'Inde (Geochelone elegans), tortue de Floride (Trachemys scripta), Trachemys nelsoni, tortue molle à épines (Apalone spinifera), tortue hargneuse (Chelydra serpentina), tortue léopard (Geochelone pardalis) et tortue du Sénégal (Geochelone sulcata). Des terrariums d'hiver sont installés à la sortie de ce bâtiment. Les tortues exotiques y sont placées quant la température extérieure descend en dessous de 20°C. En effet, ces tortues d'Afrique et de Madagascar n'hibernent pas et ont besoin de chaleur permanente. D'octobre à avril, elles sont présentées dans ces terrariums, chauffés à 28°C. Une salle audiovisuelle extérieure et une autre intérieure se trouvent à cet endroit.
Plusieurs enclos recouverts de filets aériens sont occupés par des tortues d'Hermann (Testudo hermanni) subadultes, âgées de 3 à 8 ans. Les premières années de la vie de ces animaux se passent dans la nurserie, qui se trouve un peu plus loin. Quand les jeunes atteignent cinq centimètres, habituellement à l'âge de 3 ans, ils sont placés, par petits lots de 50 tortues, dans ces enclos spécifiques. Ils grandiront lentement, et atteindront à l'âge de 8 ans la taille d'environ dix centimètres (ce qui permettra de les réintroduire dans leur milieu naturel). Le système d'isolement des enclos a permis d'éviter la propagation d'éventuelles maladies, tandis que les filets évitent l'intrusion de prédateurs. Les jeunes tortues trouvent dans ces enclos de la végétation naturelle mais des compléments variés leur sont également quotidiennement apportés. En hiver, les tortues restent sur place et se cachent dans les petits abris en bois remplis de feuilles de chêne sèches. Des bulles d'observation installées dans un des enclos des subadultes permet de les observer à leur niveau, au ras de l'herbe.
L'écloserie est un lieu protégé où sont placées les femelles, entre le 15 mai et fin juin, à l'époque des pontes. Il y a trois écloseries dans Le Village des Tortues, correspondant à trois groupes de 60 tortues reproductrices. Ces enclos sont secs et orientés plein sud, car les femelles cherchent toujours le lieu le plus sec et le plus chaud pour creuser leur nid. Les emplacements de ponte sont marqués avec des numéros et recouverts avec un grillage rond. La nature poursuit son œuvre et les nouveaux-nés sortent de terre début septembre, après les premières pluies d'orage. La réussite est d'environ 70% sur l'ensemble des pontes.
La nurserie est un ensemble de plusieurs enclos où sont hébergés les jeunes tortues d'Hermann âgées d'un, de deux ou de trois ans. Lorsque les tortues naissent dans les écloseries, en septembre et en octobre, elles sont placées une dizaine de jours dans la Clinique de la Tortue, afin de les examiner et de les hydrater. Lorsqu'elles mangent normalement, elles sont transférées dans l'enclos le plus à gauche de la nurserie. Ensuite, chaque année, elles sont déplacées de gauche à droite, avant de gagner les enclos de subadultes. Elles pèsent 10 grammes à la naissance, environ 25 gramme la seconde année et 60 grammes la troisième année. Les jeunes tortues peuvent être observées à leur niveau grâce à une tranchée creusée le long de la nurserie.
La visite se termine par une zone ludique "Questions & réponses". De grands panneaux de bois sont parsemés de questions dont les réponses sont notées derrière diverses trappes ou autres mécanismes inventifs. Une aire de jeux et une buvette complète cette zone.
Toutes tortues blessées ou malades et, sous certaines conditions, toutes celles dont les abandons dans la nature seraient préjudiciables aux tortues françaises (risque d'hybridation et/ou risque sanitaire) ou dangereuses pour les humains sont accueillies au Village des Tortues. Plus de 1600 animaux arrivent ainsi chaque année au parc. Les tortues blessées ou malades sont soignées à la Clinique de la Tortue. Les tortues abandonnées sont préjudiciables aux populations sauvages de tortues françaises. Les hybridations introduisent des gènes nouveaux qui peuvent affaiblir la population, mais surtout les tortues étrangères peuvent amener des parasites, bactéries, virus qui sont dangereux pour les tortues françaises. Ces tortues sont parfois recueillies au Village des Tortues ou dans d'autres centres. Certaines espèces, telles que la tortue marginée (Testudo marginata), la tortue russe (Testudo horsfieldii), la tortue terrestre égyptienne (Testudo kleinmanni), sont présentes à Gonfaron et permettent d'informer le public et de sensibiliser les enfants. Certaines tortues exotiques sont également présentées jusqu'à ce qu'elles puissent être rapatriées dans leur milieu d'origine dans le cadre de programmes de conservation spécifiques. Il s'agit des espèces suivantes : tortue du Sénégal (Geochelone sulcata), tortue léopard (Geochelone pardalis) et tortue rayonnée de Madagascar (Astrochelys radiata). Après un examen morphologique et sanitaire ainsi que l'établissement d'une fiche d'identification, les tortues d'Hermann sont, quant à elles, marquées, vermifugées et placées en quarantaine avant de rejoindre les enclos d'adaptation ou de reproduction où elles seront gardées plusieurs mois avant de faire partie de programmes de réintroduction. Suite au succès rencontré par son programme d'accueil, le Village des Tortues a du s'imposer des limites. Une liste d'attente a été mise en place et seules les tortues blessés sont accueillies immédiatement. Les tortues présentées au Village des Tortues sont toutes issues de captivité initiale ou ont été saisies en douane. LA SOPTOM ne prélève jamais de tortues dans la nature.
En conclusion, Le Village des Tortues mène de nombreuses actions de sensibilisation du public tout en participant à des programmes de conservation en France et à l'étranger. Ses activités ont sûrement évité la disparition des tortues d'Hermann et les réintroductions effectuées chaque année permettent de renouveler les populations sauvages.
Le Village des Tortues, ouvert il y a près de 25 ans à Gonfaron, a connu une évolution remarquable au cours des deux dernières décennies. Il est reconnu à la fois comme centre scientifique, site de recherche et de conservation ; les équipes s'investissent dans de nombreux programmes, dont plus particulièrement ceux consacrés à la tortue d'Hermann dans cette région de France. C'est aussi un centre de soins, de récupération et de reproduction des tortues locales, un lieu de présentation de très nombreuses espèces de tortues originaires des quatre coins du monde, et enfin un important lieu touristique de la région qui accueille plus de 110 000 visiteurs par an. Le concept de visite et le circuit restent les mêmes, identiques à ceux de ma dernière visite de 2003 ; c'est toujours la présence des nombreux volontaires qui permet d'offrir un accueil et une pédagogie personnalisées et adaptées. Deux serres tropicales ont été construites ces dernières années et permettent la présentation des espèces tropicales dans de meilleures conditions, été comme hiver. La SOPTOM gère toujours intégralement Le Village des Tortues de Gonfaron et Bernard Devaux est son directeur et fondateur, très engagé dans toutes ses missions. A l'étranger aussi, l'association participe activement à la gestion et au développement du Village des Tortues de Noflaye au Sénégal, créé en 2001, et du Village des Tortues d'Ifaty à Madagascar, ouvert en 2005. Le Village des Tortues est aujourd'hui un peu à l'étroit sur son terrain actuel de deux hectares à Gonfaron et possède peu de réelles possibilités d'évolution et d'extension ; son déménagement vers un nouveau site, plus propice à un agrandissement, est actuellement à l'étude et un nouveau Village des Tortues, restructuré et agrandi, pourrait voir le jour dès 2014 !