Cette brève historique du Zoo Saint-Julien a été réalisée par Philippe Aquilon, d'après un article paru dans le quotidien L'Union et grâce à des informations obtenues auprès des anciens propriétaires et par des recherches dans les archives locales.
L'histoire du Zoo Saint-Julien remonte à la fin des années 1960. Ornithologue passionné, Yves Colas abandonne son entreprise de menuiserie et décide d'installer un centre d'acclimatation sur la commune de Pierry près d'Epernay (Marne). Yves Colas défriche et aménage alors un domaine de 4 hectares situé dans la vallée du Cubry. Les pièces d'eau envasées sont curées et les bras de la rivière aménagés afin de constituer un gîte idéal pour les échassiers. Des volières chauffées sont également installées. Au printemps 1968, les premiers pensionnaires prennent possession des lieux : pélicans blancs, aigles royaux, vautours africains, marabouts, perroquets, sans oublier un mainate particulièrement bavard.
Grues, flamants roses et ibis s'ébattent sur l'étang surmonté d'un immense filet. Quelques semaines après l'ouverture du parc, Monsieur Colas disparaît. Son épouse Simone et son fils Guy reprennent le flambeau. Afin de répondre à la demande du public, ils accueillent désormais de grands mammifères. Une dompteuse, Mademoiselle Juanita, confie notamment au Zoo Saint-Julien deux lions et une lionne (Milord, Sacha et Belle). Un autre lion sera offert quelques années plus tard au parc champenois par Jean Richard. Les cages des félins abritent également un puma et un jaguar.
Le zoo héberge également plusieurs espèces de primates : babouins, atèles, macaques, ouistitis ou encore gibbons. Doudou, un gibbon particulièrement affectueux, se promène souvent en liberté aux abords du bar et devient le chouchou des visiteurs. L'établissement compte alors quelques 250 pensionnaires, parmi lesquels un python molure de grande taille, un ours brun, des loups, des chats sauvages ou encore un bison adulte originaire de la ménagerie de la famille Gruss. Il faut noter également la présence d'un binturong. Il semble que ce viverridé ait été à l'époque l'un des deux seuls représentants de son espèce en France. Chaque semaine, un vétérinaire d'Epernay, le docteur Bru, s'assure de l'état de santé de tous ces animaux. Des naissances sont enregistrées au Zoo de Pierry, dont celle d'une petite femelle macaque à queue de cochon baptisée Zoé.
Au printemps 1970, le Zoo Saint-Julien reçoit un éléphanteau d'Asie arrivé par avion de Ceylan (Sri Lanka). Bimbo sera baptisé par Roger Lanzac, l'animateur de l'émission télévisée "La piste aux étoiles". Ce bébé éléphant connaîtra son heure de gloire en posant pour une publicité vantant les mérites de "La vache qui rit". Il mourra malheureusement peu après le déménagement du zoo à Hautvillers. En effet, dans la soirée du mercredi 18 août 1971, une tornade s'abat sur le parc animalier. Le zoo est entièrement détruit à l'exception du quartier des félins, établi dans les bâtiments d'un ancien moulin. Une quinzaine d'arbres de 25 mètres de haut se sont abattus sur les allées. La buvette a été pulvérisée. Certains oiseaux ont péri, noyés sous le filet de la volière tombé dans l'eau. D'autres ont pris la voie des airs à l'image des grues d'Egypte. Les rescapés sont regroupés par affinités d'espèces dans des cages de fortune. "Les pélicans ne cessaient de trembler de peur" certifie une coupure de presse retraçant la catastrophe. Désespéré, le directeur envisage de se séparer de ses animaux : "C'est fini, j'arrête. J'en aurais pour des mois de travail à remonter tout cela."
Finalement, la passion l'emporte. Le 13 avril 1972, le quotidien L'Union évoque dans ses colonnes le déménagement du Zoo de Pierry. Le nouvel établissement s'étend sur un terrain de 7 hectares, à Hautvillers, en bordure de la RN 386 et sur les hauteurs de la Montagne de Reims. Mais la persévérance de ses responsables n'est pas récompensée. Le public boude les nouvelles installations et de nombreuses pertes déciment une partie des collections animales. Un an après sa réouverture, le Zoo Saint-Julien ferme définitivement ses portes ; ses derniers pensionnaires trouvent refuge dans différents parcs.