Périgord noir : l'arche rêvée d'un drôle d'animal

Périgord noir : l'arche rêvée d'un drôle d'animal

Messagepar Philippe » Mardi 29 Décembre 2015 8:58

Le fondateur et directeur de la réserve zoologique de Calviac-en-Périgord, Emmanuel Mouton, a réalisé son objectif de gosse.

Au plus loin qu'il se souvienne, il se voyait au cœur d'un zoo idéal, une sorte de petit paradis au bord d'une rivière, avec une maison au milieu. Dans celle-ci, le gorille avait sa chambre, l'orang-outan aussi. Lui partageait la sienne avec le chimpanzé. Récemment, il a même remis la main sur un dessin qu'il avait fait en CE2.

Emmanuel Mouton, futur fondateur et directeur de la réserve zoologique de Calviac, en Périgord noir, naît en 1976 sur les bords de la Loire, dans un petit village près d'Orléans. Les berges du fleuve sont son terrain de jeu et le théâtre de ses rêves de gosse. Il y observe les oiseaux et espère parcourir le monde à la découverte d'espèces extraordinaires. « Je ne sais pas d'où me vient cette passion. Dans ma famille, personne n'a un lien proche avec la nature. » N'empêche, au lieu d'admirer des super-héros ou des rock stars, le petit Emmanuel s'amourache d'un naturaliste qu'il voit à la télé dans l'émission « Animaux du monde » : Jacques Bouillault, qui a créé le parc zoologique de La Flèche.

Moustaki et les autres

« Ce monsieur à la barbe blanche représentait ce que je voulais faire. » À 9 ans, il entame avec lui une correspondance et lui pose 1 000 questions sur les animaux et ses voyages. « Il me répondait quand j'allais le voir dans son zoo. On s'est beaucoup rapprochés. » Son deuxième mentor, qu'il découvre aussi dans le poste et dans les livres, est l'Anglais Gerald Durell, une superstar outre-Manche. Il a aussi une barbe blanche et s'intéresse aux espèces animales menacées. À 12 ans, Emmanuel n'hésite pas à lui écrire. Il trouve auprès de lui un sens à la captivité qui doit servir à protéger les espèces et non pas au seul plaisir des visiteurs. Le troisième barbu qui le marque à l'adolescence est Georges Moustaki. Ce citoyen du monde avec sa « gueule de métèque, de juif errant, de pâtre grec » lui inspire le voyage, la liberté. Il le croise à plusieurs reprises à la sortie de concerts et plus tard au Jardin des plantes, son premier poste. En 1996, le chanteur parrainera sa première expédition, en Israël, Palestine, Jordanie, Égypte…

Le lieu idéal

Dès 14 ans, le jeune Emmanuel consacre ses vacances à travailler dans des parcs zoologiques jusqu'à devenir soigneur. Lors de ses brillantes études tournées vers la géographie et les sciences de l'environnement, il s'adonne aussi aux voyages. À Madagascar, il se penche sur les raisons de l'extinction de grandes espèces contemporaines de l'Homme. Lors d'une deuxième expédition, il y établit un inventaire de la faune.

En 2001, il arrive sur le marché du travail. Par un heureux hasard, son CV tombe à la ménagerie du Jardin des plantes à Paris qui l'embauche comme chef animalier adjoint à la tête d'une équipe de 30 soigneurs. Il est bien installé, mais son rêve d'enfant n'est pas encore réalisé. En 2003, il quitte son poste et rejoint la Provence où sa grand-mère lui a légué un terrain. Il y verrait bien son parc pour les espèces menacées. Des soucis administratifs torpillent ses ardeurs.

Il part alors à la recherche d'un autre terrain dans le sud de la France. Début mai 2005, coup de chance, il trouve sur Internet celui de Calviac, à 10 km de Sarlat. À l'écran, l'occasion est belle avec 3 hectares sauvages, des falaises, des bâtiments de pierres ocre. Il s'y rend illico. « Le site m'a totalement séduit. J'ai retrouvé l'équivalent de mon enfance avec un petit bois, la même distance de la rivière. » L'accueil local, ses amis et sa famille finissent de le convaincre de faire de ce lieu son havre entre deux voyages.

Il emprunte la totalité des fonds et fait des saisons comme réceptionniste multilingue dans des hôtels de la région jusqu'à l'ouverture du parc à l'été 2008.

Au chevet du vison d'Europe

Cette année, la réserve qui flirte avec l'équilibre financier est passée en société coopérative d'intérêt collectif (SCIC). Elle abrite 200 animaux protégés issus de quatre zones géographiques du globe (makis, saïmiris, lémuriens, wallabies, tapirs, loups à crinière, etc.) et est fortement impliquée dans un programme autour du vison d'Europe. Elle a enregistré plusieurs naissances, comme celle d'un lémur couronné.

« Je n'envisage pas la direction de la réserve jusqu'à ma retraite. Je voudrais me consacrer à des programmes d'action en milieux naturels. La réserve n'est pas un but, mais un moyen d'agir. L'idée est d'avoir un impact significatif pour sauver des espèces. Si un jour j'arrivais à en sauver ne serait-ce qu'une… »

En attendant, Emmanuel Mouton nourrit toujours son rêve et se réjouit de découvrir quelques poils blancs dans sa barbe.

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Emmanuel Mouton parmi les saïmiris à tête noire
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Un petit lémurien né à Calviac, au printemps.

Source : Sud-Ouest.
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Re: Périgord noir : l'arche rêvée d'un drôle d'animal

Messagepar raphaël » Mercredi 30 Décembre 2015 21:57

Un chouette article sur Calviac, intéressant, complet et notons-le, sans erreurs !
Jacques Bouillault, Durrell et Moustaki, les mentors imposent le respect et la sagesse.
Au passage, la Réserve va prochainement devenir une structure entièrement à but non lucratif (comme Jersey), la SCIC évoquée dans l'article.
Les animaux des zoos sont les ambassadeurs de leurs cousins sauvages. (Pierre Gay)
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