Frederic Richaud
La ménagerie de Versailles (roman)
grasset
Sortie le 10 janvier 2007
À la cour de Versailles, un flagorneur veut offrir un zoo au Roi-Soleil. La morale de cette fable drolatique de Frédéric Richaud vaut pour toutes les époques
À LA COUR de Versailles, le marquis de Dunan se damnerait pour un regard bienveillant de Louis XIV. Contrairement aux autres courtisans, qui exécutent courbettes et révérences, lui veut attirer les rayons du Soleil en pénétrant son âme et ses goûts. Le Roi s'entiche du billard, des jets d'eau, du jardinage, des pièces de Racine ? Dunan l'imite sur-le-champ, tout en guettant chez lui des signes de sympathie. Peut-être son zèle lui permettra-t-il d'assister au lever de Sa Majesté, voire de vider sa chaise percée ? Mais les efforts du marquis sont lettre morte. Presque ruiné, dans un hôtel particulier qui menace de s'écrouler, il répète à ses domestiques incrédules : « L'heure viendra. » C'est alors que Dunan, qui ne saurait reconnaître un pélican d'une autruche, se promet d'augmenter la collection de bêtes sauvages du Roi.
Un Versailles tout en plumes
Financé par des comtesses à l'entrecuisse accueillant, le marquis se met en chasse. Il rapporte bientôt toutes sortes de créatures, que son associé, Daubignan, est chargé d'empailler. Sans résultat satisfaisant, car le taxidermiste, s'il peut donner à un gorille la pose du Penseur de Rodin, n'a pas encore trouvé la formule contre la putréfaction des chairs. Courtisan stakhanoviste, Dunan ne compte pas en rester là. Il a déjà mis le cap sur le Sénégal, d'où il compte rapporter une véritable arche de Noé. Frédéric Richaud, qui ne s'encombre pas de descriptions et mise tout sur l'action de ses personnages, fait très vite débarquer son héros emperruqué dans la brousse. Quelques mondanités libertines et safaris plus tard, Dunan est à la tête d'un zoo extraordinaire. Encore faut-il qu'il plaise au Roi... Dans cette fable un peu naïve mais savoureuse, qui a été adaptée par Tronchet en BD (Le Peuple des endormis, Dupuis), Richaud compose une cour de Versailles tout en plumes, libertine et fin de race. Peu importe la vérité historique, car la disgrâce d'un pantin complaisant peut s'écrire à n'importe quel siècle. Briller en restant à sa place, c'est toute la difficulté de l'art du courtisan, à qui un manquement à l'étiquette peut être fatal. La morale de cette fable, qui tombe à la dernière page comme un couperet et interrompt nos rires, vaut aussi pour notre époque.
