Ne m'appelez plus jamais «zoo»
Ménagerie, zoo, jardin d'acclimatation, parc zoologique, parc animalier, bioparc... Glissement sémantique sur un mot qui en dit long.
Au XIXe siècle, le nom des différentes zones de la ménagerie du Jardin des Plantes à Paris évoque encore un colonialisme bon teint.
Au XIXe siècle, le nom des différentes zones de la ménagerie du Jardin des Plantes à Paris évoque encore un colonialisme bon teint. Adobe Stock
Dans les années 1960, déjà sous le feu des critiques de ce qu'ils considèrent comme un « lobby anti-zoo », les grands établissements européens investissent dans la communication pour changer leur image. À commencer par la façon dont on parle d'eux. « Les zoos comprennent que la façon dont ils se présentent au public est importante. Se met alors en place toute une narration autour de ces établissements et de ce qui s'y passe - qui occulte, bien sûr, une partie des coulisses », explique l'historienne Violette Pouillard. Au XIXe siècle, le nom des différentes zones de la ménagerie du Jardin des Plantes à Paris évoque encore un colonialisme bon teint et une approche volontiers sensationnaliste du monde sauvage : l'enclos des « animaux féroces » côtoie celui des « animaux paisibles ». Autre époque, autres mœurs : ce vocabulaire ne passe plus à l'heure de la décolonisation.
Quand le mot zoo devient gênant
Les « gardes » deviennent donc des « soigneurs », les « enclos » des « palais », des « maisons » et des « îles », puis, plus récemment, des « écosystèmes ». Le mot « zoo »- issu du grec ancien signifiant « animal », mais aussi « être vivant » - devient lui aussi gênant, comme chargé d'un héritage dont on veut se débarrasser. « Ce que l'on appelait ménagerie, devenu “jardin” au XIXe siècle, devient “parc”, voire “parc safari” », liste l'historienne. Quand il naît, en 1980, le parc animalier de Sainte-Croix, en Moselle, choisit pour sa part l'intitulé « parc de vision ». « Le nom “zoo” évoquait des tigres, des éléphants, quand le projet de mon père était plutôt de célébrer la biodiversité au pas de sa porte », raconte Pierre Singer, son directeur. « Mais “parc de vision” n'était pas très évocateur. Un an plus tard, nous sommes donc devenus un “parc animalier”. Un titre qui a le mérite d'être clair ! »
Eric Bairrão Ruivo, directeur sciences et conservation du Zooparc de Beauval, admet ne pas aimer le terme zoo, « parce qu'il englobe tout », les établissements les plus scrupuleux comme les autres. Le zoo de Doué- la-Fontaine, dans les Pays de la Loire, a pour sa part choisi de s'appeler Bioparc. « La cage disparaît, dans les faits - elle devient vitre ou fossé, un mouvement déjà à l'œuvre à partir du début du XXe siècle, mais qui se généralise progressivement - et dans le verbe », résume Violette Pouillard.
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Source: https://www.lefigaro.fr/voyages/ne-m-ap ... o-20201016