
Ne cherchez pas l'emplacement de la "maison de retraite" sur la carte dans les dépliants du parc zoologique d'Amnéville, vous ne le trouverez pas. C'est une zone blanche, secrète. Pour s'y rendre, il faut négocier une autorisation toute spéciale auprès de Michel Louis, le directeur. Et être guidé sur des chemins improbables, entre des bâtiments et des enclos, franchir une clôture, pour arriver enfin à un espace ombragé et tranquille. Loin du tohu-bohu des visites et des cris des plus jeunes, les vieux animaux coulent des jours paisibles. "Après des saisons passées dans les enclos, on leur doit bien ça", souffle Patrick Prevost, l'un des chefs animaliers du parc. Et le gaillard, plus habitué aux reptiles et à la plaisanterie, est presque ému de retrouver les trois pensionnaires actuels: Blanche, Chaussettes et Face blanche. Trois loups d'Europe.
"Ici, on se donne les moyens de leur offrir une belle fin de vie ce qui n'est pas le cas dans tous les parcs où j'ai travaillé. Ces loups ont 14 ans pour la plus jeune, Blanche, et 14 et 15 ans pour les deux mâles, Face blanche et Chaussettes. En milieu naturel, ils ne pourraient plus chasser et seraient morts depuis longtemps>, poursuit Patrick Prevost. A Amnéville, c'est un enclos à peine plus petit que celui qu'ils ont connu à l'époque de leur "gloire" qui les accueille "parce qu'il est inadmissible d'euthanasier des animaux qu'on ne peut plus montrer au public. A Amnéville, tant qu'ils ne souffrent pas, on s'y refuse absolument", affirme Michel Louis.
Soigneuse attitrée
Eloignés des contingences de présentation au public, les soigneurs ont laissé au milieu de l'enclos une montagne de souche, de troncs et de branches. Un enchevêtrement plein de trous et de cachettes dans lesquelles les loups vont se tapir, "se mettre au frais ou au chaud suivant les saisons. Se mettre aussi à l'abri des regards>. Presque comme dans leur milieu naturel. Un luxe pas complètement autorisé aux "gamins" venus de l'Arctique qui les ont remplacés il y a trois hivers dans l'espace American forest du parc. Mais luxe dont ils ne se privent pas, provoquant parfois de belles frayeurs aux personnels du zoo en allant se cacher au plus profond du monticule.
Comme tous les pensionnaires, les trois "vieux de la vieille" ont droit à leur soigneur attitré. Plus précisément une soigneuse. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Emilie Treviglio est aux petits soins pour ses papys. A peine est-elle à portée de truffe que Chaussettes, le moins farouche s'avance. Pas pour des caresses - "ce ne sont pas des toutous mais des animaux sauvages", précise Emilie - mais pour saluer de quelques contorsions canines un peu raides cette main qui apporte l'eau et la nourriture, cette voix apaisante pour des animaux que la vue et l'ouïe quittent un peu plus chaque jour. "Je ne vous laisserai pas vous approcher de Blanche. Elle est trop peureuse, elle peut même en faire des crises d'épilepsie". C'est dit. Pour ses vieux, Emilie est une vraie louve!
source : le républicain lorrain