La formation :
•Quels sont les différents parcours possibles pour travailler dans le domaine de l'éthologie? Selon vous, laquelle de ces formations est la plus avantageuse pour faire ce métier?
Les différents parcours :
- Université de biologie / sciences de la vie jusqu’en Master II éthologie et éventuellement thèse ;
- Université de psychologie et poursuivre par un Master II éthologie et éventuellement thèse ;
- Intégrer un Master II d’éthologie après l’école vétérinaire.
La formation la pus complète est l’université de biologie jusqu’en Master II. Si on choisit le Master II Recherche, on peut poursuivre par une thèse et devenir Docteur en éthologie.
La formation la plus avantageuse (mais pas la plus complète !) est l’école vétérinaire suivie d’un master II en éthologie. En effet, l’éthologie n’est pas une science reconnue alors qu’un diplôme de véto ouvre beaucoup de portes dans le monde du travail. Trop peu de personnes sont conscientes des différences entre ces disciplines ! Ces deux disciplines n’ont rien à voir et le vétérinaire n’a pas forcément eu la formation scientifique adéquate pour étudier les comportements (la manière de penser et d’aborder une problématique est complètement différente). Malheureusement, le diplôme d’éthologue n’est pas reconnu en France.
•Quel a été votre propre parcours?
J’ai suivi l’Université de biologie (à Reims puis Nancy) jusqu’en DESS d’éthologie appliquée (Paris XIII).
•Quelle est la part de la pratique dans la formation (stages, expériences en entreprises)?
En maîtrise : un stage de 2 mois environ.
En DESS : 3 études éthologiques : la première est effectuée sur la fac (souvent en éthologie humaine) et en binôme. Les deux autres (dont le stage de fin de DESS qui dure 6 mois) sont effectuées de manière autonome dans des structures choisies.
•Quelles sont, selon vous, les principales qualités à avoir pour exercer ce métier?
Rigueur, bon sens de l’observation, esprit scientifique développé
•Comment le France est-elle placée au niveau international pour la formation en éthologie?
La France n’est déjà pas très bien placée dans les sciences en général ! De plus, les diplômes en éthologie ne sont pas reconnus en France. Non, la France s’investit peu dans ce genre de domaine. Il n’est d’ailleurs pas évident de trouver un emploi à la fin des études.
La profession :
•En quoi consiste votre travail au quotidien?
L’éthologie ne prend qu’une partie infime de mon travail. Il est très rare qu’un éthologue ne fasse que de l’éthologie dans son métier. Dans les stations de recherche (CNRS, INRA), on reste plus au sein du domaine mais en parc animalier, on est très polyvalent. Personnellement, je m’occupe de la conception des expositions, des panneaux didactiques et des animations pédagogiques au sein du parc animalier. Il y a donc un gros travail d’animateur et de naturaliste. Pour ce qui est de l’éthologie, je me charge de préparer les programmes d’éthologie chaque année et encadre des étudiants sur les études mises en place.
•Quelle est votre méthode de travail, les techniques que vous utilisez?
Les méthodes d’observation sont définies en fonction des problématiques. Il y a un gros travail sur ordinateur pour la saisie informatique des données et les analyses statistiques (avec logiciels stats).
•Le travail se fait-il seul ou en équipe?
Le travail se fait en équipe. Pour ma part, je travaille avec les soigneurs animaliers (qui observent les animaux tous les jours et sont les plus aptes à m’informer de l’apparition d’un comportement anormal ou d’un événement au jour le jour) et la vétérinaire quand des problèmes physiques d’ajoutent. Je reste également en contact avec d’autres éthologues (pour rester informée, s’entraider et collaborer).
•Quelles sont les principales disciplines liées au domaine de l'éthologie?
En fonction du domaine d’étude : l’écologie, la psychologie, la physiologie, les neurosciences, le marketing…
•Quels sont les principaux problèmes que vous rencontrez (techniques, administratifs, d'organisation, financiers)?
Les moyens financiers nécessaires à une étude ne sont parfois pas suffisants (pour observer des animaux nocturnes, il faut du matériel d’observation de nuit… ça coûte très cher !).
En parc animalier, il faut toujours faire des compromis entre le bien-être animal et la satisfaction des visiteurs. Une amélioration du bien-être animal peut aussi demander un peu plus de travail aux soigneurs… ce qui n’est pas très bien accepté non plus.
Les soucis majeurs qui vont à l’encontre de l’éthologie en parc animalier : la rentabilité du personnel, les coûts financiers et le divertissement des visiteurs.
Il est très difficile de trouver un emploi dans le sens où cette science n’est pas connue. La plupart du temps, les structures préfèrent employer un vétérinaire (même pour faire de l’éthologie !) car le vétérinaire est connu et reconnu par tous. Dans ce cas, ça n’est pas une question de connaissance mais de « reconnaissance » : à cause l’image du métier de vétérinaire et celle du métier d’éthologue. On est très souvent obligé d’expliquer ce qu’est l’éthologie. C’est dommage car ce sont deux métiers complémentaires.
•Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir éthologue?
Trop souvent on interprète un comportement sans vraiment savoir ce qu’il veut dire. Pour moi, l’éthologie est la seule petite (toute petite) porte ouverte vers la psychologie de l’animal et c’est ça qui est passionnant. On ne pourra certes, ne jamais savoir ce que l’animal a dans la tête mais l’éthologie nous donne quelques petits indices précieux.
L'avenir :
•Quels sont les domaines d'application dans lesquels l'éthologie sera-t-elle amenée à jouer un rôle important dans les années à venir?
Dans les années à venir, pas grand-chose car il faut un très grand pas en avant ! Mais l’éthologie peut être très utile dans :
- l’amélioration des conditions de captivité (parc animalier, élevage intensif, extensif, etc.)
- la gestion des populations captives
- la gestion, protection, conservation des populations sauvages (domaines vitaux, territoire…)
- la connaissance des espèces
- le marketing
- l’ergonomie
- les études sur l’autisme
- l’aide aux personnes handicapées (chien guide, relation homme / animal)
- la conception et les tests de médicaments (anxiolytique par exemple)
- etc, etc, etc.
•Les problèmes de débouchés actuels peuvent-ils se résoudre?
Certainement en éthologie humaine : on se rendra sûrement vite compte que des observations des comportements sont de très bons compléments d’un questionnaire !
En revanche, en éthologie de l’animal, c’est moins certain : les hommes ont déjà mis beaucoup de temps à admettre les souffrances physiques des animaux, il est difficiles d’imaginer qu’ils admettront facilement les problèmes psychologiques ! Pour beaucoup, l’étude du comportement animal est très secondaire, voire inutile. C’est très dommage car le comportement est un très bon indicateur de bien-être (il est plus sensible que d’autres indicateurs généralement admis). De même en conservation,on s’intéresse beaucoup aux gènes mais rarement aux comportements. Pourtant, je ne suis pas sûre qu’il soit très utile de conserver une population animale en captivité qui va perdre tous les comportements naturels, seulement pour garder une banque de gènes. On conserve des gènes mais on ne conserve pas l’espèce.
•Avez-vous l'impression que l'éthologie et ses enjeux sont assez connus et reconnus?
Je crois qu’avec mes réponses précédentes, vous avez compris mon avis !
•Existe-il des évolutions dans une carrière d'éthologue?
Quand on est chercheur à la fac ou au CNRS ou INRA, oui. En parc animalier, pas vraiment. Je suis personnellement passée d’animatrice nature à responsable de la pédagogie (mais rien à voir avec le travail en éthologie que j’effectue au parc !).
Conclusion :
•Quels sont (ou ont étés) les personnalités marquantes de l'éthologie?
Vous l’étudierez plus d’une fois si vous vous lancez dans l’éthologie et vous vous en rendrez compte vous-même dans la bibliographie !
•Si vous n'aviez qu'un conseil à donner à quelqu'un qui voudrait faire ce métier, quel serait-il?
L’éthologie est une science à part entière. On doit toujours se remettre et remettre les choses en question, c’est comme ça que l’on évolue et que l’on fait évoluer les choses : doutez de tout ! Et persévérez !
J'ai aussi interrogé des chercheurs,mais ce forum étant consacré aux zoos, je ne les ai pas postées, alors si vous avez besoin ou envie de lire ces interviews contactez moi!
