Le point sur les enrichissements du milieu proposés en Suisse :
Nourris, logés, protégés des prédateurs, les animaux en captivité se la coulent douce. Et s'ennuient. Pour les divertir, les parcs zoologiques utilisent des stratagèmes liés à leur alimentation. Mais est-ce vraiment suffisant ? L'avis de Jörg Hess, comportementaliste et ancien collaborateur indépendant du Zoo de Bâle
Une à deux fois chaque mois, le Zoo de Servion sert à ses deux ours bruns des fruits et des légumes emprisonnés dans des blocs de glace de 20 litres. Des eskimos géants que les plantigrades sucent, triturent et font glisser sur le sol durant une bonne partie de la journée.
Au Zoo de Bâle, quand les gorilles ont faim, ils doivent, par exemple, se débrouiller pour récupérer leur pitance qui a été déposée au sommet de leur cage. En guise d'encas, ils reçoivent un pied de maïs en épis d'où ils doivent extirper les grains, ou des grains de raisin cachés à l'intérieur d'un bâton. Quant aux félins, ils doivent, dans la plupart des zoos suisses, chercher ou décrocher leur viande s'ils veulent se sustenter.
Pourquoi les soigneurs usent-ils de tels procédés, que les scientifiques appellent enrichissements comportementaux? Pour éviter à leurs pensionnaires de prendre du poids? Plutôt pour les occuper, car dans une cage, nul besoin de se préoccuper de son repas ni de se protéger des prédateurs. Le temps passe donc plus lentement que dans la nature. «Il s'agit d'offrir aux animaux en captivité un divertissement afin qu'ils ne fassent pas de «dépressions» en raison d'un environnement trop pauvre, explique Pierre Ecoffey, directeur du zoo vaudois La Garenne. Mais de telles mesures impliquent aussi une surveillance accrue, car un changement d'habitudes, comme cacher la nourriture ou varier les horaires, peut perturber certaines bêtes, notamment les bêtes âgées.»
Effets visibles immédiatement :
Ces principes d'alimentation, qu'a adoptés la majeure partie des parcs zoologiques, sont-ils vraiment suffisants pour tromper l'ennui? Non, répond Jörg Hess, éthologue (spécialiste du comportement animal) et ancien collaborateur indépendant du Zoo de Bâle, qui avait mené en 1972 déjà l'une des premières études mondiales sur l'occupation des animaux dans les zoos. «On ouvre ici la porte d'un univers complexe. Pendant des dizaines d'années, les zoos n'ont pas vu qu'occuper un animal est aussi important que le nourrir. Actuellement, 90% des stimulations ne passent que par la nourriture. Comme les effets sont immédiatement visibles, c'est la façon la plus facile de légitimer ce type d'actions auprès des directions des zoos et du public. C'est un pas dans la bonne direction, qui en appelle d'autres...» estime-t-il. Un pas supplémentaire qui s'inscrit dans l'histoire contemporaine des parcs zoologiques, comme le rappelle Roland Bulliard, nouveau directeur du Zoo de Servion: «Il y a trente ans, les cages étaient carrelées afin de faciliter l'entretien. Aujourd'hui, on joue beaucoup avec les éléments naturels, comme les branches et les pierres. Les enclos ont de plus en plus souvent une ouverture sur l'extérieur...»
«Permettre aux animaux d'avoir une cage à l'air libre est primordial, confirme Jörg Hess. Le vent qui passe dans les poils, les bruits qui arrivent à leurs oreilles, les odeurs qui chatouillent leurs narines sont autant de stimuli. D'ici à trois ans, les grands singes du Zoo de Bâle pourront goûter à ces plaisirs grâce à la création d'un vrai jardin attenant à leurs cinq cages intérieures. Actuellement, ces singes anthropoïdes ont été déplacés le temps des travaux et ne sont plus visibles.»
Des équipes de spécialistes :
Quelle sera l'étape de divertissement suivante? L'amélioration des contacts sociaux, répond Jörg Hess. Mais la tâche s'annonce ardue: «Cela nécessite beaucoup d'inventivité. On a par exemple créé des dés d'un mètre de haut en Sagex pour occuper les gorilles. Ils ont bien joué, mais, comme des enfants, ils se sont vite lassés de leurs nouveaux jouets! C'est particulièrement ambitieux de travailler avec les grands singes, puisque leur intelligence nécessite de nombreuses stimulations. En revanche, ils s'occupent avec un rien, contrairement à une antilope. Pour elle, il faudra peut-être mettre un peu de sable tous les jours dans son enclos pour qu'elle puisse le sentir sous ses sabots et se cacher derrière la dune qui se constituera peu à peu. Si toutefois le zoo n'exige pas que les animaux soient visibles du public en tout temps, ce qui est une aberration!»
Selon le spécialiste, l'idéal serait qu'il y ait au moins un éthologue dans chaque zoo, en plus des gardiens et des vétérinaires.
Le jour où ce sera le cas, une nouvelle étape sera franchie... Elle viendra s'ajouter à la nécessité, admise de tous, de laisser les animaux en captivité se reproduire, comme le souligne Marc Rosset, curateur de Zoo de Berne: «On peut réfléchir à de nombreux stimuli, mais le plus important d'entre eux est de permettre aux animaux de se reproduire et d'élever leur progéniture...»
Source et photos : Le Matin Online
Nourris, logés, protégés des prédateurs, les animaux en captivité se la coulent douce. Et s'ennuient. Pour les divertir, les parcs zoologiques utilisent des stratagèmes liés à leur alimentation. Mais est-ce vraiment suffisant ? L'avis de Jörg Hess, comportementaliste et ancien collaborateur indépendant du Zoo de Bâle
Une à deux fois chaque mois, le Zoo de Servion sert à ses deux ours bruns des fruits et des légumes emprisonnés dans des blocs de glace de 20 litres. Des eskimos géants que les plantigrades sucent, triturent et font glisser sur le sol durant une bonne partie de la journée.
Au Zoo de Bâle, quand les gorilles ont faim, ils doivent, par exemple, se débrouiller pour récupérer leur pitance qui a été déposée au sommet de leur cage. En guise d'encas, ils reçoivent un pied de maïs en épis d'où ils doivent extirper les grains, ou des grains de raisin cachés à l'intérieur d'un bâton. Quant aux félins, ils doivent, dans la plupart des zoos suisses, chercher ou décrocher leur viande s'ils veulent se sustenter.
Pourquoi les soigneurs usent-ils de tels procédés, que les scientifiques appellent enrichissements comportementaux? Pour éviter à leurs pensionnaires de prendre du poids? Plutôt pour les occuper, car dans une cage, nul besoin de se préoccuper de son repas ni de se protéger des prédateurs. Le temps passe donc plus lentement que dans la nature. «Il s'agit d'offrir aux animaux en captivité un divertissement afin qu'ils ne fassent pas de «dépressions» en raison d'un environnement trop pauvre, explique Pierre Ecoffey, directeur du zoo vaudois La Garenne. Mais de telles mesures impliquent aussi une surveillance accrue, car un changement d'habitudes, comme cacher la nourriture ou varier les horaires, peut perturber certaines bêtes, notamment les bêtes âgées.»
Effets visibles immédiatement :
Ces principes d'alimentation, qu'a adoptés la majeure partie des parcs zoologiques, sont-ils vraiment suffisants pour tromper l'ennui? Non, répond Jörg Hess, éthologue (spécialiste du comportement animal) et ancien collaborateur indépendant du Zoo de Bâle, qui avait mené en 1972 déjà l'une des premières études mondiales sur l'occupation des animaux dans les zoos. «On ouvre ici la porte d'un univers complexe. Pendant des dizaines d'années, les zoos n'ont pas vu qu'occuper un animal est aussi important que le nourrir. Actuellement, 90% des stimulations ne passent que par la nourriture. Comme les effets sont immédiatement visibles, c'est la façon la plus facile de légitimer ce type d'actions auprès des directions des zoos et du public. C'est un pas dans la bonne direction, qui en appelle d'autres...» estime-t-il. Un pas supplémentaire qui s'inscrit dans l'histoire contemporaine des parcs zoologiques, comme le rappelle Roland Bulliard, nouveau directeur du Zoo de Servion: «Il y a trente ans, les cages étaient carrelées afin de faciliter l'entretien. Aujourd'hui, on joue beaucoup avec les éléments naturels, comme les branches et les pierres. Les enclos ont de plus en plus souvent une ouverture sur l'extérieur...»
«Permettre aux animaux d'avoir une cage à l'air libre est primordial, confirme Jörg Hess. Le vent qui passe dans les poils, les bruits qui arrivent à leurs oreilles, les odeurs qui chatouillent leurs narines sont autant de stimuli. D'ici à trois ans, les grands singes du Zoo de Bâle pourront goûter à ces plaisirs grâce à la création d'un vrai jardin attenant à leurs cinq cages intérieures. Actuellement, ces singes anthropoïdes ont été déplacés le temps des travaux et ne sont plus visibles.»
Des équipes de spécialistes :
Quelle sera l'étape de divertissement suivante? L'amélioration des contacts sociaux, répond Jörg Hess. Mais la tâche s'annonce ardue: «Cela nécessite beaucoup d'inventivité. On a par exemple créé des dés d'un mètre de haut en Sagex pour occuper les gorilles. Ils ont bien joué, mais, comme des enfants, ils se sont vite lassés de leurs nouveaux jouets! C'est particulièrement ambitieux de travailler avec les grands singes, puisque leur intelligence nécessite de nombreuses stimulations. En revanche, ils s'occupent avec un rien, contrairement à une antilope. Pour elle, il faudra peut-être mettre un peu de sable tous les jours dans son enclos pour qu'elle puisse le sentir sous ses sabots et se cacher derrière la dune qui se constituera peu à peu. Si toutefois le zoo n'exige pas que les animaux soient visibles du public en tout temps, ce qui est une aberration!»
Selon le spécialiste, l'idéal serait qu'il y ait au moins un éthologue dans chaque zoo, en plus des gardiens et des vétérinaires.
Le jour où ce sera le cas, une nouvelle étape sera franchie... Elle viendra s'ajouter à la nécessité, admise de tous, de laisser les animaux en captivité se reproduire, comme le souligne Marc Rosset, curateur de Zoo de Berne: «On peut réfléchir à de nombreux stimuli, mais le plus important d'entre eux est de permettre aux animaux de se reproduire et d'élever leur progéniture...»
Source et photos : Le Matin Online