Après ma visite matinale à Aqualeon, je décide d'aller visiter un de ces petits établissements privés, sachant qu'ils réservent toujours des surprises de toutes sortes. Le Zoo Alt Camp est situé à Valls, à une trentaine de kilomètres à l'ouest d'Albinyana. Un site internet, relativement bien fait et moderne, m'avait permis de vérifier les horaires d'ouverture et c'est donc avec surprise que je découvre, à mon arrivée sur place, une caisse close. Plus que fermée, elle semble même abandonnée avec une planche de bois couvrant l'ancien comptoir vitré... Le portail est tout de même entrouvert, et je vois déjà au loin quelques volières... Je tente en vain d'appeler le numéro de téléphone trouvé sur internet, d'actionner la sonnette, mais l'endroit semble vraiment désert.
Soudain, deux personnes franchissent le portail du Zoo Alt Camp et se dirigent vers leur véhicule stationné un peu plus loin. Elles m'indiquent qu'il est bien possible de visiter le petit parc zoologique, que je rencontrerai peut-être un employé lors de ma visite et lui payerai alors directement le droit d'entrée, mais que cela est finalement fort peu probable... l'heure de la sieste probablement... C'est donc avec curiosité et un peu d'appréhension que je fais mes premiers pas au sein de la propriété. Je comprends rapidement qu'il s'agit d'un terrain d'à peine deux hectares, entouré de hauts murs, et organisé autour d'une demeure bourgeoise.
La première partie de ma visite me permet de découvrir une riche collection d'anatidés présentée sur un plan d'eau principal et dans plusieurs petits enclos. C'est surtout quelques canards à lunettes (Speculanas specularis), un couple de tadornes de paradis (Tadorna variegata) et enfin, et plus particulièrement, un couple de canaroies semipalmées (Anseranas semipalmata) qui attirent mon attention. Une rangée d'enclos simples, située un peu à l'écart, est le lieu de vie de quelques lamas, ânes, chèvres et moutons, d'un zèbre de Chapman (Equus quagga chapmani), de mouflons méditerranéens (Ovis ammon), d'un cerf élaphe (Cervus elaphus) et d'un groupe d'antilopes cervicapres (Antilope cervicapra) au pelage particulièrement clair. Le mâle porte d'ailleurs exactement la même robe que les femelles, le groupe venant peut-être d'arriver ici après scission avec un groupe où d'autres mâles dominaient. Une toute jeune antilope accompagne le groupe. Dans un coin, deux caisses de transport attirent mon regard. Sans aucun doute, elles ont été conçues pour des ours ou d'autres grands carnivores... Vais-je trouver de tels animaux au cours de ma visite ?
D'une certaine manière, le lieu semble complètement abandonné, divers outils agricoles traînant de ci de là, une buvette non entretenue... une atmosphère vraiment étrange. Soudain, deux fillettes en tenue de bain traversent une allée et disparaissent aussi rapidement qu'elles sont apparues... Je poursuis ma visite, trouve encore émeus d'Australie, nandous d'Amérique et autruches d'Afrique, ainsi qu'un wallaby de Bennett solitaire et une tortue sillonnée (Geochelone sulcata). Un peu plus loin, je m'approche d'un poulailler où vivent quelques poules espagnoles à face blanche, dont le coq est particulièrement impressionnant. Au milieu de tout cela, un couple de makis cattas (Lemur catta), accompagné de leurs deux derniers rejetons, et deux gouras sont encore présentés. C'est la première fois que je vois de tels animaux dans un poulailler !
A l'arrière, un couple de grues royales (Balearica regulorum) occupe une volière qui se poursuit, sous le couvert des arbres, par une faisanderie qui révèle quelques surprises : un paon spicifère (Pavo muticus), un couple de tragopans de Cabot (Tragopan caboti), un couple de faisans nobles (Lophura ignita), un autre de lophophores resplendissants (Lophophorus impejanus), un autre encore de hoccos de Daubenton (Crax daubentoni), deux pénélopes de Spix (Penelope jacquacu) et enfin deux couples de pénélopes à gorge bleue (Pipile cumanensis).
Avant de reprendre la route, je m'attarde encore devant les quatre enclos boueux se trouvant près de l'entrée. Ils abritent une faune d'anatidés si diverses : oies domestiques et sauvages, cygnes, harles (Mergus sp.), trois espèces de dendrocygnes (Dendrocygna bicolor, D. eytoni et D. autumnalis)... J'y observe aussi un troisième canaroie semipalmée, espèce que j'apprécie et qu'on voit si peu en captivité.
Soudain, alors que je m'apprêtais à quitter les lieux, le Zoo Alt Camp se réveille... plusieurs employés arrivent (la sieste probablement terminée...) et me demandent ce que je fais là à prendre des photographies. L'un d'eux va chercher le propriétaire et j'entends soudain des aboiements sonores et agressifs ; j'imagine quelques secondes qu'ils vont lâcher les chiens. Je rencontre finalement la propriétaire à qui je règle un droit d'entrée de quatre euros. Le fait qu'elle ne parle ni anglais, ni français, ni aucune langue que nous aurions en commun, empêche toute communication réelle et surtout l'obtention d'informations quant à l'histoire et l'évolution du Zoo Alt Camp et ses motivations personnelles pour maintenir un tel établissement. L'origine, et le devenir d'éventuels animaux reproduits ici, m'aurait beaucoup intéressé, mais n'est pas très compliqué à imaginer. Le Zoo Alt Camp est un espace zoologique de toute petite envergure, probablement ouvert il y a quelques années à peine, sur les bases d'une collection privée d'anatidés et de faisans. Sa pérennité dans les années ou les décennies à venir, surtout du fait de la crise financière actuelle, qui touche l'Espagne de plein fouet, est incertaine.