Juillet 2009, j'ai l'occasion de retourner à Barcelone et de redécouvrir le fameux Parc Zoològic de Barcelona que j'avais visité pour la première fois en juillet 1995, alors que Copito de Nieve était encore une des grandes mascottes de l'établissement. A la suite de son décès en novembre 2003, l'équipe du parc se doit de continuer sans cette figure emblématique. Depuis ma dernière visite, il y a quatorze ans déjà, beaucoup de choses ont changé et de nombreuses nouvelles installations ont été réalisées.
Les prémisses du Parc Zoologique de Barcelone remontent à la fin du XIXe siècle lorsque un riche banquier et homme d'affaires local proposa de vendre à la ville de Barcelone sa collection privée d'animaux exotiques, qu'il maintenait dans une large propriété aux abords de la ville. Le conseil municipal accepta cette offre et installa ces animaux dans le Parc de la Ciutadella, où avait eu lieu l'Exposition universelle de 1888 et dont il restait encore de nombreux bâtiments impressionnants. Le Parc Zoològic de Barcelona fut inauguré le 24 septembre 1892 et devint rapidement un lieu incontournable pour les Barcelonais, d'autant plus que son entrée resta intégralement gratuite jusqu'en 1927.
A cette période, le Zoo de Barcelone était devenu une institution importante, qui possédait une large collection d'animaux et avait déjà inclus dans ses objectifs la conservation de la biodiversité et l'éducation du public. La Guerre d'Espagne, qui dura de 1936 à 1939, fut une période particulièrement rude pour le parc zoologique et à la fin de celle-ci il ne restait plus grand-chose de sa grandeur d'avant-guerre. Du fait des pénuries qui suivirent cette période trouble et de la Seconde Guerre Mondiale qui faisait alors rage en Europe, la décennie suivante fut également difficile et l'idée de fermer l'établissement fut évoquée. Néanmoins, les années 1950 virent un renouveau pour le Parc Zoologique de Barcelone avec, entre autres, l'arrivée à la tête du zoo d'Antono Jonch i Cuspinera et l'allocation de nouveaux fonds municipaux. Durant les trente années qui suivirent, le Zoo de Barcelone effectua probablement ses plus grands changements, passant d'abord d'une surface de 2,5 hectares à près de 10 hectares en 1958, puis 12 hectares en 1963. De plus, toutes les anciennes installations furent rénovées et de nombreuses nouvelles furent bâties. De 1959 à 1969, le Zoo de Barcelone maintint également un centre d'expérimentation et d'acclimatation en Guinée équatoriale, colonie espagnole. Ceci joua un rôle très important dans l'apport de nouveaux spécimens pour le Parc Zoologique de Barcelone en cours de refonte et c'est d'ailleurs de là que fut envoyé Copito de Nieve en 1966.
Le Parc Zoològic de Barcelona, géré aujourd'hui par une société anonyme municipale, s'est imposé comme un des grands zoos européens, situé dans une capitale particulièrement touristique, de plus d'1,6 million d'habitants. Il participe à de nombreux programmes d'élevage, est membre de l'EAZA et de la WAZA, et présente une collection d'environ 7500 animaux appartenant à plus de 400 espèces. Sa superficie actuelle est de 13 hectares et environ 900 000 visiteurs sont accueillis chaque année.
Du fait de son passé, de sa situation géographique, mais aussi des choix des dernières décennies, le Parc Zoològic de Barcelona a un profil très similaire à celui du Jardim Zoológico de Lisboa au Portugal. Comme lui, il possède une collection très importante de primates. Lors de ma visite en juillet 2009, j'ai compté pas moins de 24 espèces de primates, dont les fameux mangabeys Cercocebus torquatus et Cercocebus atys lunulatus, dont le Zoo de Barcelone gère les programmes d'élevage européens, EEP pour C. atys lunulatus et ESB pour le C. torquatus. La seconde sous-espèce du C. atys, le C. atys atys, est également géré sous ESB par le Zoo de Barcelone, mais n'ai présenté que dans une poignée de zoos européens. La galerie des singes de l'Ancien Monde, construite en 1987, héberge plusieurs autres espèces dont les très rares cercopithèques hocheurs (Cercopithecus nictitans martini) et un beau groupe reproducteur de talapoins (Miopithecus talapoin).
Trois espèces d'anthropoïdes, représentées par deux groupes de gorilles des plaines de l'ouest (Gorilla gorilla gorilla), un groupe de chimpanzés (Pan troglodytes) et un autre d'orangs-outans de Bornéo (Pongo pygmaeus), sont encore présentes à Barcelone. Leurs installations, bien que rénovées au cours des dernières années, sont de superficie relativement petite. J'ai personnellement toujours beaucoup de mal à comprendre le maintien de plusieurs espèces d'anthropoïdes dans une même institution, surtout dans un parc urbain de faible surface. Néanmoins, il est vrai que le Zoo de Barcelone a un riche passé dans l'élevage de ces espèces, surtout du fait de ce fameux gorille blanc, nommé Copito de Nieve, arrivé tout jeune à Barcelone en 1966, et finalement euthanasié en novembre 2003, après une longue maladie. La découverte d'un tel individu et sa venue en Europe à la fin des années 1960 ont marqué le monde scientifique et Copito est toujours resté une grande attraction du zoo et de la ville. Aujourd'hui, une exposition, récemment bâtie à l'emplacement de l'ancien enclos des éléphants asiatiques, retrace son histoire, ainsi que la relation du Parc Zoològic de Barcelona avec les gorilles et l'état actuel de nos connaissances quant à ces mammifères si proches de nous.
Au cours de son existence, Copito de Nieve s'est reproduit avec trois femelles et a engendré 21 petits entre 1973 et 1986. Seuls 9 (3.6) de ces animaux ont survécu leur premier mois et 4 (1.3) sont encore en vie à l'heure actuelle. Il semblerait que l'albinisme de Copito était dû à un unique allèle récessif et il est donc probable qu'un tel gorille blanc réapparaisse naturellement dans une population captive ou sauvage. Depuis 1998, la reproduction des gorilles à Barcelone a repris avec Xebo, un mâle né en 1985 à Rotterdam et transféré en Espagne en 1996. Il vit aujourd'hui avec deux des dernières filles de Copito et leurs rejetons respectifs nés en 2006. Le second groupe de gorilles est constitué d'un mâle et de quatre jeunes femelles. De rares drills (Mandrillus leucophaeus) sont encore présentés dans ce complexe des grands singes, ainsi qu'un groupe de mandrills (Mandrillus sphinx) dans l'ancienne fosse des babouins. Les îlots, situés non loin du delphinarium, accueillent aujourd'hui quelques atèles variés (Ateles hybridus), autre espèce peu courante en captivité et en danger critique d'extinction. Enfin, la galerie des callithricidés, aménagée en 1990, héberge sept espèces de cette famille.
Une des autres attractions majeures du Parc Zoològic de Barcelona est, sans conteste, sa présentation de grands dauphins (Tursiops truncatus). Un des premiers delphinariums d'Europe fut ouvert ici en 1968, selon le modèle du Miami Seaquarium (Etats-Unis). Dès 1965, une première piscine extérieure expérimentale avait d'ailleurs été installée pour accueillir les premiers dauphins. Cette piscine existe toujours et se nomme l'Aquarama. En sus, le bâtiment couvert, inauguré en 1968, est lui aussi toujours utilisé et abrite quelques individus supplémentaires. Les grands dauphins se reproduisent depuis plusieurs années à Barcelone, de façon plus ou moins régulière. Un orque mâle, nommé Ulises, fut aussi présenté à partir de 1983. Capturé dans les eaux islandaises en 1980, il vécut d'abord quelques années à l'Aqualeon d'Albinyana (alors appelé Rio Léon Safari Park et dont nous reparlerons plus loin) avant de rejoindre Barcelone en 1983. Finalement, en 1994, Ulises fut envoyé sous contrat au SeaWorld San Diego (Etats-Unis).
Le Parc Zoològic de Barcelona est également reconnu internationalement pour sa collection de crocodiliens. En juillet 2009, j'ai pu y observer six espèces : crocodile du Siam (Crocodylus siamensis) et crocodile des marais (C. palustris), caïman à museau large (Caiman latirostris), caïman nain de Cuvier (Paleosuchus palpebrosus), crocodile à front large (Osteolaemus tetraspis) et alligator de Chine (Alligator sinensis). Plusieurs autres espèces étaient encore présentes peu de temps auparavant ou le sont encore probablement dans les coulisses : crocodile de Morelet (Crocodylus moreletii), crocodile indopacifique (C. porosus), crocodile du Nil (C. niloticus), crocodile de Cuba (C. rhombifer), caïman à lunettes (Caiman crocodilus), caïman yacare (C. yacare) et alligator d'Amérique (Alligator mississippiensis). Le vivarium, inauguré en 1972, et doté également d'une serre pour présenter tous ces crocodiles, était partiellement en travaux en 2009, d'où l'absence aussi peut-être de plusieurs de ces crocodiliens. Parmi tous ces terrariums, globalement de superficie correcte et bien végétalisés, c'est surtout une petite exposition à propos des amphibiens et des reptiles locaux qui a attiré mon attention. J'ai pu y découvrir des crapauds communs (Bufo bufo), des rainettes méridionales (Hyla meridionalis), des Alytes muletensis, amphibien endémique de Majorque, des couleuvres à échelons (Elaphe scalaris), des vipères de Lataste (Vipera latastei) et des couleuvres de Montpellier (Malpolon monspessulanus).
Une autre installation remarquable du Zoo de Barcelone est sans aucun doute la fameuse zone africaine inaugurée en 1962. Sur moins d'un demi-hectare, celle-ci permettait, et permet d'ailleurs toujours, l'observation de toute la grande faune africaine, dans plusieurs petits enclos séparés par de discrets cours d'eau. Les bâtiments, à moitié enterrés et situés sous la passerelle des visiteurs, ne gâchaient pas le paysage et le charme de ce petit bout d'Afrique ! A l'époque, l'effet était probablement très réussi et l'impression pour les visiteurs d'observer tous ensemble éléphants, rhinocéros, hippopotames, girafes et autres grands herbivores devait être très forte. Néanmoins, tous ces animaux étaient séparés et vivaient sur de petits plateaux bétonnés.
De 1959 à 1970, le Zoo de Barcelone présentait des rhinocéros noirs ; depuis 1970, il s'est concentré sur l'élevage des rhinocéros blancs, et présente actuellement deux mâles. A partir des années 1960, il était également possible de voir à Barcelone à la fois des éléphants africains et des éléphants asiatiques ; depuis le départ de la dernière éléphante asiatique en 2002, seule la première espèce est encore présente.
Au cours de la dernière décennie, la zone africaine a subi d'importantes rénovations, avec l'ajout de nombreuses barrières, faux rochers, l'utilisation des anciens cours d'eau pour agrandir quelque peu les différents enclos... mais la structure de base est toujours la même et le nombre d'espèces, en tous cas les plus grosses, n'a pas été réduit ! En 2009, j'ai pu y observer encore deux éléphantes d'Afrique, deux rhinocéros blancs, quatre hippopotames amphibies, quatre girafes de Rothschild (Giraffa camelopardalis rothschildi) et enfin un petit groupe de blesboks (Damaliscus pygargus phillipsi). Une densité de gros mammifères africains probablement inégalée dans aucun autre parc zoologique ! Des efforts incontestables ont bien sûr été effectués, comme l'agrandissement des différents enclos, un enrichissement du milieu, l'apport d'un second éléphant en provenance d'Aqualeon pour tenir compagnie à l'éléphante solitaire de Barcelone... Mais n'aurait-il pas mieux fallu justement réduire drastiquement le nombre d'espèces de cette zone, ne conserver qu'une des quatre grosses espèces précitées et lui aménager un enclos moderne et innovant ? L'amoncellement et l'accumulation de barrières et clôtures diverses dans cette zone n'est pas du meilleur effet et démontre encore qu'il n'est vraiment pas facile de faire du neuf avec du vieux !
La nouvelle installation des oiseaux du Zoo de Barcelone est toute récente et a été bâtie sur l'emplacement de l'ancienne structure qui datait elle-aussi de 1972. Elle inclut un bâtiment principal couvert, où sont reconstitués différents milieux et biotopes. L'enclos des jacanas noirs (Jacana jacana) est particulièrement réussi et expose à merveille la capacité de ces oiseaux à marcher sur la végétation immergée sans s'y enfoncer. D'autres espèces encore, comme le pic à dos rouge (Dinopium javanense) ou le martin-chasseur à poitrine bleue (Halcyon malimbica), ont attiré mon attention pendant cette visite. A proximité de ce bâtiment se trouve une série de hautes volières pour psittacidés. Réalisées en grillage épais et solide, probablement nécessaire pour le maintien de tels oiseaux au bec crochu, l'impression générale est tout de même très lourde et peu engageante pour de tels volatiles. Néanmoins, les possibilités d'évolution et d'escalade sont bien développées grâce à la hauteur des volières. Lors de ma visite, j'ai également pu observer à cet endroit une colonie férale d'amazones, particulièrement bruyante, et apparemment attirée par leurs congénères captifs. Le Zoo de Barcelone est d'ailleurs aussi connu pour abriter une importante colonie de plus d'une centaine d'hérons cendrés sauvages et réalise de nombreuses études à propos de ces oiseaux.
Dans cette même zone, il ne faut pas manquer la Muntanya de Montserrat, la Montagne de Montserrat, vestige de l'Exposition universelle de 1888 où sont présentés aujourd'hui caprins et vautours. Un petit groupe de bouquetins d'Espagne (Capra pyrenaica hispanica) vit d'ailleurs sur l'un de ses flancs. Une autre espèce ibérique pour laquelle le Parc Zoològic de Barcelona s'investit énormément est le loup ibérique (Canis lupus signatus). Le programme d'élevage EEP pour cette espèce est géré par un des curateurs de Barcelone. Malheureusement ce travail est peu mis en avant directement au zoo, le bel enclos ne semble être utilisé plus que pour un seul loup et la sous-espèce si particulière n'est même pas évoquée sur le panneau d'identification !
Dans la partie nord du Zoo de Barcelone, je trouve encore un nouvel enclos pour un groupe de lycaons (Lycaon pictus), avec plusieurs points de vision vitrés. Quelques impalas à mufle noir (Aepyceros melampus petersi) sont également présentés à proximité ; il s'agit d'une sous-espèce maintenue en captivité en Europe uniquement ici et au Zoo de Lisbonne (Portugal). Une autre espèce emblématique d'ongulés est élevée à Barcelone : la gazelle dorcas (Gazella dorcas neglecta). En collaboration avec le Parque de Rescate de Fauna Sahariana d'Almería (Espagne), un programme de réintroduction a été établi au Sénégal, où cette espèce avait disparu depuis le début des années 1990. Plusieurs animaux du Zoo de Barcelone ont été envoyés sur place en mars 2009.
En décembre 2005, le Parc Zoològic de Barcelona a obtenu deux jeunes varans de Komodo (Varanus komodoensis). Ces deux animaux, de sexe mâle, sont nés au Reptilandia Park de Gáldar (Gran Canaria) en septembre 2004, institution qui a d'ailleurs réussi la première reproduction captive de cette espèce en Europe, en février 2004. Les deux varans de Barcelone ont maintenant bien grandi et ont atteint une taille respectable ; ils sont présentés dans un bâtiment provisoire dans l'attente de la construction d'une nouvelle installation qui leur sera dédiée. Celle-ci sera située entre les enclos des ours bruns et le delphinarium couvert. De plus, des muntjacs d'Inde (Muntiacus muntjak) vivront également dans cette future zone. Cette espèce, qui se retrouve également en Indonésie, est plutôt peu courante en captivité ; une femelle était déjà présente à Barcelone en juillet 2009. Dans cette même zone du parc, je trouve encore les installations des grands fauves, deux plateaux pour lions et tigres, mais surtout cette installation pour félins, construite en 1985. Très brute et géométrique, celle-ci ne m'avait pas séduit en 1995 lors de ma première visite, mais une végétation exubérante a pris maintenant ses droits et offre de multiples possibilités de retrait pour les jaguars, panthères et lynx qui y vivent.
Un nouvel ouvrage historique à propos du Zoo de Barcelone vient tout juste d'être publié cette année. Intitulé « Parc del Zoo, El corazón de la Ciutadella », il retrace l'histoire, l'état actuel et les projets futurs de l'institution. Un nouveau master plan est décrit dans le dernier chapitre de cet ouvrage. A terme, la superficie du Parc Zoològic de Barcelona devrait être réduite et sera divisée en cinq zones principales : la savane africaine, la steppe asiatique, les forêts d'Asie du Sud-Est, d'Afrique centrale et d'Amérique du Sud. De plus, un nouveau parc aquatique devrait être bâti à trois kilomètres au nord de la Ciutadella, au bord de la côte. Le transfert des dauphins vers ce nouvel établissement est bien sûr envisagé, et le retour de l'orque Ulises a également été évoqué.
Il serait dommage de visiter le Parc Zoològic de Barcelona sans aller flâner ensuite dans le Parc de la Ciutadella où se trouvent encore plusieurs bâtiments et nombreux vestiges de l'Exposition universelle de 1888. Le Museu de Ciències Naturals de la Ciutadella, musée d'histoire naturelle de Barcelone, est installé depuis 1917 dans El Castell dels Tres Dragons, superbe et étrange bâtiment qui avait été conçu comme restaurant principal de l'exposition précitée. Le musée offre une atmosphère très particulière avec son parquet ciré, ses vieilles vitrines, ses balcons intérieurs... Les spécimens naturalisés sont d'une diversité importante, avec quelques surprises même si certains d'entre eux sont maintenant anciens et ne rendent pas toujours à merveille la beauté ou les couleurs de l'espèce représentée. Une visite au Museu de Ciències Naturals de la Ciutadella reste un très bon complément à une journée passée au Parc Zoològic de Barcelona.